mer une belle somme, si l'enthousiasme
se propageait egalement des sources du grand fleuve a son embouchure.
Et pourquoi eut-il pris fin? Pourquoi cesserait-on de se disputer les
poissons d'Ilia Brusch? N'etait-ce pas un honneur de posseder une piece
sortie de ses mains? Certes, il n'aurait meme pas la peine d'aller a
domicile debiter sa marchandise que le public se disputerait sur place.
Cette vente etait decidement une idee geniale.
Ce soir-la, outre qu'il vendit aisement son poisson, les invitations ne
lui manquerent pas. Ilia Brusch, qui semblait desireux de quitter son
embarcation le moins possible, les repoussa toutes, comme il refusa
avec energie les bons verres de vin et les bons moss de biere, qu'on le
priait de tous cotes de venir boire dans les cabarets de la rive. Ses
admirateurs durent y renoncer et se separer de leur heros, apres avoir
pris rendez-vous pour le lendemain au moment du depart.
Mais, le lendemain, ils ne trouverent plus la barge. Ilia Brusch
etait parti avant l'aube, et, profitant de la solitude de cette heure
matinale, il godillait avec ardeur en se maintenant au milieu du fleuve,
a egale distance de ses rives assez escarpees. Aide par le courant
rapide, il passa vers cinq heures du matin a Sigmaringen, a quelques
metres du _Rendez-vous des Pecheurs_. Sans doute, un peu plus tard, l'un
ou l'autre des membres de la Ligue Danubienne viendrait s'accouder au
balcon du cabaret, afin de guetter l'arrivee de son glorieux collegue.
Il la guetterait vainement. Le pecheur alors serait loin, s'il
continuait a aller de ce train.
A quelques kilometres de Sigmaringen, Ilia Brusch laissa derriere lui
le premier affluent du Danube, un simple ruisseau, le Louchat, qui s'y
jette sur la rive gauche.
Profitant de l'eloignement relatif separant les centres habites dans
cette partie de son parcours, Ilia Brusch activa, durant toute cette
journee, la marche de son embarcation, en ne pechant que le minimum
indispensable. A la nuit, n'ayant capture que tout juste le poisson
necessaire a sa consommation personnelle, il s'arreta en pleine
campagne, un peu en amont de la petite ville de Mundelkingen dont les
habitants ne le croyaient certainement pas si proche.
A cette deuxieme journee de navigation succeda la troisieme, qui fut
presque identique. Ilia Brusch deriva rapidement devant Mundelkingen
avant le lever du soleil, et il etait encore de bonne heure qu'il avait
deja depasse le gros bourg d'Ehingen. A q
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