ant.
--Permettez-moi, madame, d'avoir meilleure opinion que vous d'un homme
qui sera, demain peut-etre, roi de France. M. de Guise ne peut toucher
la main qui l'a touche au visage...
--Vous avez fait cela! murmura-t-elle, vous avez soufflete le duc de
Guise!....
--Dans une circonstance qu'il vous racontera lui-meme si vous le lui
demandez. Il vous dira que lui, chevalier de Lorraine, haut seigneur, le
premier du royaume apres les princes du sang et peut-etre meme avant,
n'a pas hesite a faire assassiner dans son lit un vieillard. Il vous
dira qu'il poussa la magnanimite jusqu'a faire jeter par la fenetre le
cadavre de l'amiral Coligny! Rude victoire, madame! Et ce ne fut pas la
payer trop cher, du soufflet qui jaillit alors, si j'ose dire, de la
main que voici!...
--Le duc defendait la cause de l'Eglise! dit sourdement Fausta.
--De quelle Eglise? madame... Il y en a au moins deux..., dit Pardaillan
sans aucune intention qu'une innocente raillerie.
--Comment savez-vous qu'il y a deux Eglises, vous? gronda-t-elle,
palissante.
--Deux Eglises! murmura Pardaillan etourdi. Que veut dire cela...?
--Est-ce que cet homme serait un espion! songeait Fausta.
--Oh! oh! se disait le chevalier, est-ce que cette femme serait le
chef occulte de la Sainte Ligue... Est-ce que Guise ne serait qu'un
instrument?... Est-ce que la Ligue serait une nouvelle Eglise?...
Dans ce bref instant ou ils songeaient ainsi, ils s'etaient etudies,
comme deux lutteurs. Fausta avait rapidement pris son parti. De son
examen, il resulta a ses yeux que Pardaillan devait etre un routier
heroique, capable d'entreprises extraordinaires: une epee invincible
qu'il s'agissait d'acheter a tout prix.
--Chevalier, reprit tout a coup Fausta, si vous ne pouvez etre a M. de
Guise, peut-etre ne refuseriez-vous pas de servir un autre maitre?
--Cela depend du maitre, madame, fit Pardaillan de son air le plus
ingenu. Voyons, madame, le maitre que vous avez a me proposer est-il
celui qu'attend le monde?...
Fausta le regardait, stupefaite de sentir au fond d'elle-meme elle ne
savait quoi qui palpitait. Cet homme, le premier, troublait sa pensee.
Elle etait emue, malgre elle.
--Le maitre que j'ai a vous proposer, dit-elle en gardant cette
majestueuse froideur qu'elle devait a une longue etude, est digne de
vous, chevalier...
--Ah! pardieu, madame, je serai bien aise de connaitre un tel
personnage!...
--Vous l'avez devant vous, dit Fausta.
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