a ce que nos lecteurs fassent des a present
connaissance avec lui.
Ce chancelier etait un plaisant homme. Ce fut Des Roches le Masle,
chanoine a Notre-Dame, et qui avait ete autrefois valet de chambre
du cardinal, qui le proposa a Son Eminence comme un homme tout
devoue. Le cardinal s'y fia et s'en trouva bien.
On racontait de lui certaines histoires, entre autres celle-ci:
Apres une jeunesse orageuse, il s'etait retire dans un couvent
pour y expier au moins pendant quelque temps les folies de
l'adolescence.
Mais, en entrant dans ce saint lieu, le pauvre penitent n'avait pu
refermer si vite la porte, que les passions qu'il fuyait n'y
entrassent avec lui. Il en etait obsede sans relache, et le
superieur, auquel il avait confie cette disgrace, voulant autant
qu'il etait en lui l'en garantir, lui avait recommande pour
conjurer le demon tentateur de recourir a la corde de la cloche et
de sonner a toute volee. Au bruit denonciateur, les moines
seraient prevenus que la tentation assiegeait un frere, et toute
la communaute se mettrait en prieres.
Le conseil parut bon au futur chancelier. Il conjura l'esprit
malin a grand renfort de prieres faites par les moines; mais le
diable ne se laisse pas deposseder facilement d'une place ou il a
mis garnison; a mesure qu'on redoublait les exorcismes, il
redoublait les tentations, de sorte que jour et nuit la cloche
sonnait a toute volee, annoncant l'extreme desir de mortification
qu'eprouvait le penitent.
Les moines n'avaient plus un instant de repos. Le jour, ils ne
faisaient que monter et descendre les escaliers qui conduisaient a
la chapelle; la nuit, outre complies et matines, ils etaient
encore obliges de sauter vingt fois a bas de leurs lits et de se
prosterner sur le carreau de leurs cellules.
On ignore si ce fut le diable qui lacha prise ou les moines qui se
lasserent; mais, au bout de trois mois, le penitent reparut dans
le monde avec la reputation du plus terrible possede qui eut
jamais existe.
En sortant du couvent, il entra dans la magistrature, devint
president a mortier a la place de son oncle, embrassa le parti du
cardinal, ce qui ne prouvait pas peu de sagacite; devint
chancelier, servit Son Eminence avec zele dans sa haine contre la
reine mere et sa vengeance contre Anne d'Autriche; stimula les
juges dans l'affaire de Chalais, encouragea les essais de
M. de Laffemas, grand gibecier de France; puis enfin, investi de
toute la confiance du cardinal, co
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