e ventre.
Cette fois, le gentilhomme ferma les yeux et s'evanouit.
D'Artagnan fouilla dans la poche ou il l'avait vu remettre l'ordre
de passage, et le prit. Il etait au nom du comte de Wardes.
Puis, jetant un dernier coup d'oeil sur le beau jeune homme, qui
avait vingt-cinq ans a peine et qu'il laissait la, gisant, prive
de sentiment et peut-etre mort, il poussa un soupir sur cette
etrange destinee qui porte les hommes a se detruire les uns les
autres pour les interets de gens qui leur sont etrangers et qui
souvent ne savent pas meme qu'ils existent.
Mais il fut bientot tire de ces reflexions par Lubin, qui poussait
des hurlements et criait de toutes ses forces au secours.
Planchet lui appliqua la main sur la gorge et serra de toutes ses
forces.
"Monsieur, dit-il, tant que je le tiendrai ainsi, il ne criera
pas, j'en suis bien sur; mais aussitot que je le lacherai, il va
se remettre a crier. Je le reconnais pour un Normand et les
Normands sont entetes."
En effet, tout comprime qu'il etait, Lubin essayait encore de
filer des sons.
"Attends!" dit d'Artagnan.
Et prenant son mouchoir, il le baillonna.
"Maintenant, dit Planchet, lions-le a un arbre."
La chose fut faite en conscience, puis on tira le comte de Wardes
pres de son domestique; et comme la nuit commencait a tomber et
que le garrotte et le blesse etaient tous deux a quelques pas dans
le bois, il etait evident qu'ils devaient rester jusqu'au
lendemain.
"Et maintenant, dit d'Artagnan, chez le gouverneur!
-- Mais vous etes blesse, ce me semble? dit Planchet.
-- Ce n'est rien, occupons-nous du plus presse; puis nous
reviendrons a ma blessure, qui, au reste, ne me parait pas tres
dangereuse."
Et tous deux s'acheminerent a grands pas vers la campagne du digne
fonctionnaire.
On annonca M. le comte de Wardes.
D'Artagnan fut introduit.
"Vous avez un ordre signe du cardinal? dit le gouverneur.
-- Oui, monsieur, repondit d'Artagnan, le voici.
-- Ah! ah! il est en regle et bien recommande, dit le gouverneur.
-- C'est tout simple, repondit d'Artagnan, je suis de ses plus
fideles.
-- Il parait que Son Eminence veut empecher quelqu'un de parvenir
en Angleterre.
-- Oui, un certain d'Artagnan, un gentilhomme bearnais qui est
parti de Paris avec trois de ses amis dans l'intention de gagner
Londres.
-- Le connaissez-vous personnellement? demanda le gouverneur.
-- Qui cela?
-- Ce d'Artagnan?
-- A merveille.
-- Donn
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