rre, la poste etait assez bien servie. D'Artagnan et
Planchet prirent chacun un bidet, un postillon courut devant eux;
en quatre heures ils arriverent aux portes de la capitale.
D'Artagnan ne connaissait pas Londres, d'Artagnan ne savait pas un
mot d'anglais; mais il ecrivit le nom de Buckingham sur un papier,
et chacun lui indiqua l'hotel du duc.
Le duc etait a la chasse a Windsor, avec le roi.
D'Artagnan demanda le valet de chambre de confiance du duc, qui,
l'ayant accompagne dans tous ses voyages, parlait parfaitement
francais; il lui dit qu'il arrivait de Paris pour affaire de vie
et de mort, et qu'il fallait qu'il parlat a son maitre a l'instant
meme.
La confiance avec laquelle parlait d'Artagnan convainquit Patrice;
c'etait le nom de ce ministre du ministre. Il fit seller deux
chevaux et se chargea de conduire le jeune garde. Quant a
Planchet, on l'avait descendu de sa monture, raide comme un jonc:
le pauvre garcon etait au bout de ses forces; d'Artagnan semblait
de fer.
On arriva au chateau; la on se renseigna: le roi et Buckingham
chassaient a l'oiseau dans des marais situes a deux ou trois
lieues de la.
En vingt minutes on fut au lieu indique. Bientot Patrice entendit
la voix de son maitre, qui appelait son faucon.
"Qui faut-il que j'annonce a Milord duc? demanda Patrice.
-- Le jeune homme qui, un soir, lui a cherche une querelle sur le
Pont-Neuf, en face de la Samaritaine.
-- Singuliere recommandation!
-- Vous verrez qu'elle en vaut bien une autre."
Patrice mit son cheval au galop, atteignit le duc et lui annonca
dans les termes que nous avons dits qu'un messager l'attendait.
Buckingham reconnut d'Artagnan a l'instant meme, et se doutant que
quelque chose se passait en France dont on lui faisait parvenir la
nouvelle, il ne prit que le temps de demander ou etait celui qui
la lui apportait; et ayant reconnu de loin l'uniforme des gardes,
il mit son cheval au galop et vint droit a d'Artagnan. Patrice,
par discretion, se tint a l'ecart.
"Il n'est point arrive malheur a la reine? s'ecria Buckingham,
repandant toute sa pensee et tout son amour dans cette
interrogation.
-- Je ne crois pas; cependant je crois qu'elle court quelque grand
peril dont Votre Grace seule peut la tirer.
-- Moi? s'ecria Buckingham. Eh quoi! je serais assez heureux pour
lui etre bon a quelque chose! Parlez! parlez!
-- Prenez cette lettre, dit d'Artagnan.
-- Cette lettre! de qui vient cette lettre?
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