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heureux resultats. D'Artagnan et Planchet entrerent ensemble a
Pierrefitte.
Planchet etait plus courageux, il faut le dire, le jour que la
nuit.
Cependant sa prudence naturelle ne l'abandonnait pas un seul
instant; il n'avait oublie aucun des incidents du premier voyage,
et il tenait pour ennemis tous ceux qu'il rencontrait sur la
route. Il en resultait qu'il avait sans cesse le chapeau a la
main, ce qui lui valait de severes mercuriales de la part de
d'Artagnan, qui craignait que, grace a cet exces de politesse, on
ne le prit pour le valet d'un homme de peu.
Cependant, soit qu'effectivement les passants fussent touches de
l'urbanite de Planchet, soit que cette fois personne ne fut aposte
sur la route du jeune homme, nos deux voyageurs arriverent a
Chantilly sans accident aucun et descendirent a l'hotel du Grand
Saint Martin, le meme dans lequel ils s'etaient arretes lors de
leur premier voyage.
L'hote, en voyant un jeune homme suivi d'un laquais et de deux
chevaux de main, s'avanca respectueusement sur le seuil de la
porte. Or, comme il avait deja fait onze lieues, d'Artagnan jugea
a propos de s'arreter, que Porthos fut ou ne fut pas dans l'hotel.
Puis peut-etre n'etait-il pas prudent de s'informer du premier
coup de ce qu'etait devenu le mousquetaire. Il resulta de ces
reflexions que d'Artagnan, sans demander aucune nouvelle de qui
que ce fut, descendit, recommanda les chevaux a son laquais, entra
dans une petite chambre destinee a recevoir ceux qui desiraient
etre seuls, et demanda a son hote une bouteille de son meilleur
vin et un dejeuner aussi bon que possible, demande qui corrobora
encore la bonne opinion que l'aubergiste avait prise de son
voyageur a la premiere vue.
Aussi d'Artagnan fut-il servi avec une celerite miraculeuse.
Le regiment des gardes se recrutait parmi les premiers
gentilshommes du royaume, et d'Artagnan, suivi d'un laquais et
voyageant avec quatre chevaux magnifiques, ne pouvait, malgre la
simplicite de son uniforme, manquer de faire sensation. L'hote
voulut le servir lui-meme; ce que voyant, d'Artagnan fit apporter
deux verres et entama la conversation suivante:
"Ma foi, mon cher hote, dit d'Artagnan en remplissant les deux
verres, je vous ai demande de votre meilleur vin et si vous m'avez
trompe, vous allez etre puni par ou vous avez peche, attendu que,
comme je deteste boire seul, vous allez boire avec moi. Prenez
donc ce verre, et buvons. A quoi boirons-nous, voyons, pou
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