, tout etait fini, nous leur
avions fait a chacun son affaire, tout en admirant la prevoyance
de notre pauvre pere qui avait pris la precaution de nous elever
chacun dans une religion differente.
-- En effet, comme vous le dites, Mousqueton, votre pere me parait
avoir ete un gaillard fort intelligent. Et vous dites donc que,
dans ses moments perdus, le brave homme etait braconnier?
-- Oui, monsieur, et c'est lui qui m'a appris a nouer un collet et
a placer une ligne de fond. Il en resulte que lorsque j'ai vu que
notre gredin d'hote nous nourrissait d'un tas de grosses viandes
bonnes pour des manants, et qui n'allaient point a deux estomacs
aussi debilites que les notres, je me suis remis quelque peu a mon
ancien metier. Tout en me promenant dans le bois de M. le Prince,
j'ai tendu des collets dans les passees; tout en me couchant au
bord des pieces d'eau de Son Altesse, j'ai glisse des lignes dans
les etangs. De sorte que maintenant, grace a Dieu, nous ne
manquons pas, comme monsieur peut s'en assurer, de perdrix et de
lapins, de carpes et d'anguilles, tous aliments legers et sains,
convenables pour des malades.
-- Mais le vin, dit d'Artagnan, qui fournit le vin? c'est votre
hote?
-- C'est-a-dire, oui et non.
-- Comment, oui et non?
-- Il le fournit, il est vrai, mais il ignore qu'il a cet honneur.
-- Expliquez-vous, Mousqueton, votre conversation est pleine de
choses instructives.
-- Voici, monsieur. Le hasard a fait que j'ai rencontre dans mes
peregrinations un Espagnol qui avait vu beaucoup de pays, et entre
autres le Nouveau Monde.
-- Quel rapport le Nouveau Monde peut-il avoir avec les bouteilles
qui sont sur ce secretaire et sur cette commode?
-- Patience, monsieur, chaque chose viendra a son tour.
-- C'est juste, Mousqueton; je m'en rapporte a vous, et j'ecoute.
-- Cet Espagnol avait a son service un laquais qui l'avait
accompagne dans son voyage au Mexique. Ce laquais etait mon
compatriote, de sorte que nous nous liames d'autant plus
rapidement qu'il y avait entre nous de grands rapports de
caractere. Nous aimions tous deux la chasse par-dessus tout, de
sorte qu'il me racontait comment, dans les plaines de pampas, les
naturels du pays chassent le tigre et les taureaux avec de simples
noeuds coulants qu'ils jettent au cou de ces terribles animaux.
D'abord, je ne voulais pas croire qu'on put en arriver a ce degre
d'adresse, de jeter a vingt ou trente pas l'extremite d'une corde
ou l'o
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