putation entre vos mains!
-- Oui! oui, madame, il le faut, et je sauverai tout cela, moi!
-- Mais comment? dites-le-moi au moins.
-- Mon mari a ete remis en liberte il y a deux ou trois jours; je
n'ai pas encore eu le temps de le revoir. C'est un brave et
honnete homme qui n'a ni haine, ni amour pour personne. Il fera ce
que je voudrai: il partira sur un ordre de moi, sans savoir ce
qu'il porte, et il remettra la lettre de Votre Majeste, sans meme
savoir qu'elle est de Votre Majeste, a l'adresse qu'elle
indiquera."
La reine prit les deux mains de la jeune femme avec un elan
passionne, la regarda comme pour lire au fond de son coeur, et ne
voyant que sincerite dans ses beaux yeux, elle l'embrassa
tendrement.
"Fais cela, s'ecria-t-elle, et tu m'auras sauve la vie, tu m'auras
sauve l'honneur!
-- Oh! n'exagerez pas le service que j'ai le bonheur de vous
rendre; je n'ai rien a sauver a Votre Majeste, qui est seulement
victime de perfides complots.
-- C'est vrai, c'est vrai, mon enfant, dit la reine, et tu as
raison.
-- Donnez-moi donc cette lettre, madame, le temps presse."
La reine courut a une petite table sur laquelle se trouvaient
encre, papier et plumes: elle ecrivit deux lignes, cacheta la
lettre de son cachet et la remit a Mme Bonacieux.
"Et maintenant, dit la reine, nous oublions une chose necessaire.
-- Laquelle?
-- L'argent."
Mme Bonacieux rougit.
"Oui, c'est vrai, dit-elle, et j'avouerai a Votre Majeste que mon
mari...
-- Ton mari n'en a pas, c'est cela que tu veux dire.
-- Si fait, il en a, mais il est fort avare, c'est la son defaut.
Cependant, que Votre Majeste ne s'inquiete pas, nous trouverons
moyen...
-- C'est que je n'en ai pas non plus, dit la reine (ceux qui
liront les Memoires de Mme de Motteville ne s'etonneront pas de
cette reponse); mais, attends."
Anne d'Autriche courut a son ecrin.
"Tiens, dit-elle, voici une bague d'un grand prix a ce qu'on
assure; elle vient de mon frere le roi d'Espagne, elle est a moi
et j'en puis disposer. Prends cette bague et fais-en de l'argent,
et que ton mari parte.
-- Dans une heure vous serez obeie.
-- Tu vois l'adresse, ajouta la reine, parlant si bas qu'a peine
pouvait-on entendre ce qu'elle disait: a Milord duc de Buckingham,
a Londres.
-- La lettre sera remise a lui-meme.
-- Genereuse enfant!" s'ecria Anne d'Autriche.
Mme Bonacieux baisa les mains de la reine, cacha le papier dans
son corsage et disparut av
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