erai la volonte du roi, toujours avec plaisir.
-- Combien faut-il de temps pour aller a Vaux? demanda Anne
d'Autriche en trainant sur chaque syllabe, et en appuyant la main
sur son sein endolori.
-- Une heure pour les carrosses de Leurs Majestes, dit d'Artagnan,
par des chemins assez beaux.
Le roi le regarda.
-- Un quart d'heure pour le roi, se hata-t-il d'ajouter.
-- On arriverait au jour, dit Louis XIV.
-- Mais les logements de la maison militaire, objecta doucement
Colbert, feront perdre au roi toute la hate du voyage, si prompt
qu'il soit.
"Double brute! pensa d'Artagnan, si j'avais interet a demolir ton
credit, je le ferais en dix minutes."
-- A la place du roi, ajouta-t-il tout haut, en me rendant chez
M. Fouquet, qui est un galant homme, je laisserais ma maison,
j'irais en ami; j'entrerais seul avec mon capitaine des gardes;
j'en serais plus grand et plus sacre.
La joie brilla dans les yeux du roi.
-- Voila un bon conseil, dit-il, mesdames; allons chez un ami, en
ami. Marchez doucement, messieurs des equipages; et nous,
messieurs, en avant!
Il entraina derriere lui tous les cavaliers.
Colbert cacha sa grosse tete renfrognee derriere le cou de son
cheval.
-- J'en serai quitte, dit d'Artagnan tout en galopant, pour
causer, des ce soir, avec Aramis. Et puis M. Fouquet est un galant
homme, mordioux! je l'ai dit, il faut le croire.
Voila comment, vers sept heures du soir, sans trompettes et sans
gardes avancees, sans eclaireurs ni mousquetaires, le roi se
presenta devant la grille de Vaux, ou Fouquet, prevenu, attendait,
depuis une demi-heure, tete nue, au milieu de sa maison et de ses
amis.
Chapitre CCXIX -- Nectar et ambroisie
M. Fouquet tint l'etrier au roi, qui, ayant mis pied a terre, se
releva gracieusement, et, plus gracieusement encore, lui tendit
une main que Fouquet, malgre un leger effort du roi, porta
respectueusement a ses levres.
Le roi voulait attendre, dans la premiere enceinte l'arrivee des
carrosses. Il n'attendit pas longtemps. Les chemins avaient ete
battus par ordre du surintendant. On n'eut pas trouve, depuis
Melun jusqu'a Vaux, un caillou gros comme un oeuf. Aussi les
carrosses, roulant comme sur un tapis, amenerent-ils, sans cahots
ni fatigues, toutes les dames a huit heures. Elles furent recues
par Mme la surintendante, et au moment ou elles apparaissaient,
une lumiere vive, comme celle du jour, jaillit de tous les arbres,
de tous les vases de tou
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