rs superieure en orgueil a toute
creature, ecrasa son hote par le mepris qu'elle temoigna pour tout
ce qu'on lui servait.
La jeune reine, bonne et curieuse de la vie, loua Fouquet, mangea
de grand appetit, et demanda le nom de plusieurs fruits qui
paraissaient sur la table. Fouquet repondit qu'il ignorait les
noms. Ces fruits sortaient de ses reserves: il les avait souvent
cultives lui-meme, etant un savant en fait d'agronomie exotique.
Le roi sentit la delicatesse. Il n'en fut que plus humilie. Il
trouvait la reine un peu peuple, et Anne d'Autriche un peu Junon.
Tout son soin, a lui, etait de se garder froid sur la limite de
l'extreme dedain ou de la simple admiration.
Mais Fouquet avait prevu tout cela: c'etait un de ces hommes qui
prevoient tout.
Le roi avait expressement declare que, tant qu'il serait chez
M. Fouquet, il desirait ne pas soumettre ses repas a l'etiquette,
et, par consequent, diner avec tout le monde; mais, par les soins
du surintendant, le diner du roi se trouvait servi a part, si l'on
peut s'exprimer ainsi, au milieu de la table generale. Ce diner,
merveilleux par sa composition, comprenait tout ce que le roi
aimait, tout ce qu'il choisissait d'habitude. Louis n'avait pas
d'excuses, lui, le premier appetit de son royaume, pour dire qu'il
n'avait pas faim.
M. Fouquet fit bien mieux: il s'etait mis a table pour obeir a
l'ordre du roi, mais des que les potages furent servis, il se leva
de table et se mit lui-meme a servir le roi, pendant que Mme la
surintendante se tenait derriere le fauteuil de la reine mere. Le
dedain de Junon et les bouderies de Jupiter ne tinrent pas contre
cet exces de bonne grace. La reine mere mangea un biscuit dans du
vin de San Lucar, et le roi mangea de tout en disant a M. Fouquet:
-- Il est impossible, monsieur le surintendant, de faire meilleure
chere.
Sur quoi, toute la Cour se mit a devorer d'un tel enthousiasme,
que l'on eut dit des nuees de sauterelles d'Egypte s'abattant sur
les seigles verts.
Cela n'empecha pas que, apres la faim assouvie, le roi ne redevint
triste: triste en proportion de la belle humeur qu'il avait cru
devoir manifester, triste surtout de la bonne mine que ses
courtisans avaient faite a Fouquet.
D'Artagnan, qui mangeait beaucoup et qui buvait sec, sans qu'il y
parut, ne perdit pas un coup de dent, mais fit un grand nombre
d'observations qui lui profiterent.
Le souper fini, le roi ne voulut pas perdre la promenade. Le parc
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