immortel de notre souvenir. Au contraire, tout ce qui releve du systeme,
toutes ces doctrines si trompeuses, si vagues, si pleines de specieuses
promesses et de formules sibyllines, tout ce qui rappelle ces grandes
epopees de la philosophie de l'avenir, tout cela porte les traces d'une
effroyable caducite, tout cela est mort, irremissiblement mort. Qui
aurait le courage, aujourd'hui, de relire ou de discuter des pages,
ecrites pourtant avec une conviction ardente, sous la dictee des grands
prophetes, comme celles qui remplissent le second volume de _la Comtesse
de Rudolstadt_, les trois quarts du _Peche de M. Antoine_, et cet
_Evenor_, dont je ne peux evoquer le souvenir sans un indicible effroi?
Est-il besoin de rappeler meme les traits fondamentaux de la doctrine,
le melange d'un mysticisme _historique_ elabore par Pierre Leroux, et
d'un radicalisme revolutionnaire naivement imite de Michel (de
Bourges)? Mme Sand a toujours eu un gout tres vif, une passion veritable
pour les idees, mais elle les interprete en les melant et les confondant
toutes. Sa metaphysique est fort incertaine et vague. George Sand est
idealiste, sans doute, et c'est par la qu'elle se distingue profondement
de l'ecole des romanciers qui l'ont suivie. Mais qui pourrait definir
clairement sa pensee dans les oeuvres diverses ou elle a essaye de
l'exprimer? Elle a l'elan vigoureux, elle a le coup d'aile vers les
regions mysterieuses. Mais quelle doctrine precise rapporte-t-elle de
ces explorations sublimes? Que l'on essaye seulement de comprendre quel
sens prend sous sa plume, en certaines circonstances solennelles, ce
grand mot Dieu, dont elle use avec une sorte de prodigalite? Que
devient-il, ce nom, au bout des transformations que sa pensee a subies
dans ses diverses phases, a travers les maitres qu'elle a ecoutes avec
une curiosite docile et passionnee? Que devient-il dans cet immense
laboratoire humanitaire, ce Dieu de l'amour pur, que Lelia appelait dans
sa priere desesperee, dans l'eglise des Camaldules, ce Dieu de verite
que Spiridion invoquait, d'un coeur enflamme, a travers les persecutions
des moines, dans les sombres visions du cloitre? Sous l'influence de
Pierre Leroux, il semble bien qu'il soit devenu le commencement et le
terme du _circulus_ universel. Plus tard, affranchie de la secte, Mme
Sand rendra au nom de Dieu une partie de sa signification compromise et
de ses attributs perdus. Mais ce serait toute une histoire que de
raconter l'
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