dans la vie de celle
qu'il aime follement et pour faire que le bonheur de sa femme ne soit
pas un crime. Jacques s'appelle maintenant Valvedre; il a reflechi, il a
cherche des consolations dans l'etude. Il a tue en lui la folie du
desespoir; il n'abdique pas son role et son devoir de mari; il ne cede
plus volontairement sa femme a Octave, et quand sa femme l'a quitte,
quand elle meurt de la situation fausse ou l'a jetee le depit plus que
l'amour, il apparait pres du lit funebre; il reprend a l'amant faible et
inutile le coeur de cette femme qui va mourir. Il ecrase Francis de sa
generosite, tout en lui enlevant la joie de la derniere pensee d'Alida.
Le denouement est, on le voit, tout l'oppose de l'ancien roman. La
reflexion a fait son oeuvre, la vie aussi.
Il est certain que c'est l'attaque vive contre les lois a propos du
mariage qui introduisit plus tard la question sociale tout entiere dans
les romans de George Sand. Elle s'enhardit en dehors des limites qu'elle
avait tout d'abord tracees autour de sa pensee. Elle ne s'arreta pas,
comme en 1836, a la crainte de se poser en reformateur de la societe;
elle entreprit de porter remede, sur les principaux points, a _l'infame
decrepitude du monde_.
Exaltation dans le sentiment, faiblesse et incoherence dans la
conception, voila ce qui caracterise les theories sociales de Mme Sand.
Nous n'insisterons pas sur ce cote si connu et si souvent discute de ses
oeuvres, ou d'ailleurs il y aurait bien des questions de propriete ou de
voisinage a resoudre entre elle et ceux qu'elle se plut a nommer ses
maitres dans l'oeuvre de destruction et de reconstruction qu'elle
preparait. D'ailleurs, il faut bien se le dire, depuis ces ages
lointains des politiciens et des philosophes dont la pensee agitait les
reformes futures, cette partie des romans de Mme Sand a etrangement
vieilli. Il semble, lorsqu'on les relit a pres de cinquante ans de
distance, que l'on assiste a une exhumation de doctrines
antediluviennes. Etrange et magnifique superiorite de la poesie, qui est
la fiction dans l'art, sur l'utopie, qui est la fiction violente dans la
realite sociale! Tout ce qui reste de l'art pur, de l'art desinteresse,
dans les recits de cette periode, conserve a travers les annees la
serenite d'une incorruptible et radieuse jeunesse. Les figures aimees,
qu'on y rencontre avec tant de plaisir, dans les intervalles de la these
qui declame, peuplent encore notre imagination et sont comme le charme
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