ant, en souffrant et en expiant." Mais enfin quelle est sa
conclusion? Evidemment cet amour qu'elle edifie et qu'elle couronne sur
les ruines de l'_infame_ est son utopie; cet amour est grand, noble,
beau, volontaire, eternel; mais cet amour, "c'est le mariage tel que l'a
fait Jesus, tel que l'a explique saint Paul, tel encore, si vous voulez,
que le chapitre VI du titre V du Code civil en exprime les devoirs
reciproques". C'est, en un mot, le mariage vrai, ideal, humanitaire et
chretien a la fois, qui doit faire succeder la fidelite conjugale, le
veritable repos et la veritable saintete de la famille a l'espece de
contrat honteux et de despotisme stupide qu'a engendres _la decrepitude_
du monde.
Malgre tout, l'objection de fond subsiste toujours. Comment tirer un
pacte irrevocable d'elements aussi changeants, aussi fugaces que
l'amour? Comment le sacrement social du mariage pourra-t-il avoir une
chance quelconque de stabilite, s'il n'est que la constatation de la
passion? Ne faut-il pas toujours y faire intervenir un element plus
solide, plus substantiel, ou l'honneur ou un serment social, ou un
engagement religieux qui lui donne une regle et un appui? Et que
deviendront, dans le peril de ces unions mobiles si facilement rompues,
la faiblesse de la femme abandonnee ou celle de l'enfant trahi?
On dirait que Mme Sand elle-meme a reconnu tardivement la force de
l'objection. Elle s'est fort amendee dans les derniers romans. Comme
exemple, voyez _Valvedre_, la contre-partie de _Jacques_ dont la
conclusion logique etait que le mariage tombe de soi avec l'amour. Rien
n'est plus curieux que de voir le meme sujet traite deux fois par un
auteur sincere, a vingt-sept ans de distance, chaque fois avec les
preoccupations differentes qu'apporte la vie et qui imposent aux heros
du roman des destinees si differentes, au roman lui-meme deux
denouements contraires. Le sujet est le meme: la lutte du mari et de
l'amant; mais comme cette lutte se termine differemment! Par malheur,
_Valvedre_ ne vaut pas _Jacques_. La verve et le charme se sont en
partie eclipses. Alida, c'est encore Fernande, mais depouillee de sa
poesie, passionnee a froid et dans le faux. L'amant n'a guere change.
Qu'il s'appelle Octave ou Francis, c'est toujours le meme personnage qui
prodigue l'heroisme dans les mots et qui debute dans la vie par immoler
une femme a son amour-propre. Mais le mari n'est plus cet insense
sublime qui se tue pour n'etre pas un obstacle
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