st que l'homme n'en peut
disposer; c'est qu'il ne l'accorde pas plus qu'il ne l'ote par un acte
de sa volonte; c'est que le coeur humain le recoit d'en haut sans doute
pour le reporter sur la creature choisie entre toutes dans les desseins
du ciel; et quand une ame energique l'a recu, c'est en vain que toutes
les considerations humaines eleveraient la voix pour le detruire; il
subsiste seul et par sa propre puissance. Tous ces auxiliaires qu'on lui
donne, ou plutot qu'il attire a soi, l'amitie, la confiance, la
sympathie, l'estime meme, ne sont que des allies subalternes; il les a
crees, il les domine, il leur survit." Et, quelques lignes plus loin,
elle ajoute: "La supreme Providence, qui est partout en depit des
hommes, n'avait-elle pas preside a ce rapprochement? L'un etait
necessaire a l'autre: Benedict a Valentine, pour lui faire connaitre ces
emotions sans lesquelles la vie est incomplete; Valentine a Benedict,
pour apporter le repos et la consolation dans une vie orageuse et
tourmentee. Mais la societe se trouvait la entre eux, qui rendait ce
choix absurde, coupable, impie! La Providence a fait l'ordre admirable
de la nature, les hommes l'ont detruit; a qui la faute?" Qu'il y ait une
predestination divine entre Benedict et Valentine, j'ai peine a le
croire, mais que Dieu intervienne expres pour autoriser jusqu'aux
inconstances du coeur, voila ce que je ne peux, en conscience, accorder
a Jacques. "Je n'ai jamais travaille mon imagination, dit-il, pour
allumer ou ranimer en moi le sentiment qui n'y etait pas encore ou celui
qui n'y etait plus; je ne me suis jamais impose la constance comme un
role. Quand j'ai senti l'amour s'eteindre, je l'ai dit sans honte et
sans remords, et _j'ai obei a la Providence qui m'attirait ailleurs_."
La singuliere fonction pour la Providence, d'appeler Jacques a de
nouvelles amours! Du reste, Jacques fait des proselytes a sa doctrine,
sa femme la premiere. Car, plus tard, lorsque sa femme le trahit, c'est
religieusement, si je puis dire. On n'avait jamais pousse la piete si
avant dans l'adultere. Imaginez, pour consacrer son bonheur, le projet
que forme l'aimable Fernande. "O mon cher Octave! ecrit-elle a son
amant, nous ne passerons jamais une nuit ensemble sans nous agenouiller
et sans prier pour Jacques." Voila un mari bien console.
On ne doit pas s'etonner, d'apres cela, si les heros de Mme Sand croient
rendre a Dieu une sorte de culte en cedant a l'amour. Les amants
prennent tout
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