rte dans la passion que
les agitations et les terreurs de la faiblesse. Voyez les vrais heros de
l'amour, ils sauront quitter la vie quand l'amour les quittera.
Valentine mourra de la mort de Benedict. Indiana ne veut pas survivre a
son coeur. Jacques, trahi, va chercher une mort inconnue dans les
glaciers. A qui n'a plus l'amour il ne reste plus rien a faire en ce
monde. Ainsi le veut l'esthetique du roman. Quel contraste avec les
idees de Carlyle, le philosophe anglais, sur le meme sujet! "Ce qu'il
execrait le plus violemment dans les romans de Thackeray, c'est que
l'amour y est represente (a la facon francaise) comme s'etendant sur
toute notre existence et en formant le grand interet; tandis que
l'amour, au contraire (_la chose qu'on appelle l'amour_), est confine a
un tres petit nombre d'annees de la vie de l'homme, et que, meme dans
cette fraction insignifiante du temps, il n'est qu'un des objets dont
l'homme a a s'occuper, parmi une foule d'autres objets infiniment plus
importants.... A vrai dire, toute l'affaire de l'amour est une si
miserable futilite qu'a une epoque heroique personne ne se donnerait la
peine d'y penser, encore bien moins d'en ouvrir la bouche[6]?" Qui a
raison?
Si l'on s'etonne que l'amour soit, non pas le plus grand, mais presque
l'unique devoir de la vie, Mme Sand vous l'expliquera en disant qu'il
vient de Dieu. On sait qu'il etait fort a la mode, en ce temps, de meler
ce nom aux plus vifs emportements de la passion. Nos poetes mettaient
alors une sorte de mysticisme dans les aventures les plus risquees du
coeur. Mais aucun poete, aucun romancier n'a plus ouvertement que Mme
Sand, je dirai plus candidement, abuse de Dieu dans l'amour. Certes il y
a de nobles passions qui grandissent l'ame, et, comme la raison humaine
cherche l'ideal divin dans tout ce qui est grand et beau, on peut croire
parfois, en sentant l'homme meilleur, a une secrete intervention de Dieu
dans ces sentiments privilegies. Mais quel enthousiasme indiscret et
perilleux d'appliquer a tous les amours, quels qu'ils soient, cette
complaisante faveur de la Providence! De quelles coupables lachetes de
coeur, de quelles perfidies, de quelles defaillances morales on la rend
ainsi involontairement complice! Ecoutez Mme Sand nous retracer a sa
facon les hautes origines de l'amour: "Ce qui fait l'immense superiorite
de ce sentiment sur tous les autres, _ce qui prouve son essence divine_,
c'est qu'il ne nait point de l'homme meme, c'e
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