mais aux exigences du bien general, qui ne
subsiste que par l'accord des libertes individuelles et des passions
reglees. Cette conception manque tout a fait a Mme Sand. Elle ne sait
pas se resigner, et l'orgueil de la passion fremit dans toutes ses
oeuvres, superbe et revolte.
De la ces declamations celebres sur les droits de l'etre humain a
secouer le joug des lois sociales, des lois sans pitie et sans
intelligence, qui meurtrissent le coeur et violentent la liberte. De la
tant de propheties irritees et cette utopie du mariage ideal: "Je ne
doute pas, s'ecrie Jacques, que le mariage ne soit aboli, si l'espece
humaine fait quelque progres vers la justice et la raison; un lien plus
humain et non moins sacre remplacera celui-la, et saura assurer
l'existence des enfants qui naitront d'un homme et d'une femme, sans
enchainer jamais la liberte de l'un et de l'autre. Mais les hommes sont
trop grossiers et les femmes trop laches, pour demander une loi plus
noble que la loi de fer qui les regit; a des etres sans conscience et
sans vertu il faut de lourdes chaines." Demander une loi, c'est bientot
dit, une loi qui affranchisse la liberte des epoux sans detruire la
famille que fonde le pacte de ces deux libertes. Qu'on essaye donc de la
concevoir, cette loi, dans la contradiction de ses termes! A moins de
conclure tout simplement a l'union libre, je defie les legislateurs de
l'avenir de sortir de ce dilemme: il faut que l'homme et la femme
alienent leur liberte ou que la famille perisse. Encore s'il n'y avait
que l'homme et la femme, le probleme serait bientot resolu. Ils se
quitteraient des qu'ils ne s'aimeraient plus, a supposer pourtant qu'ils
puissent vivre l'un sans l'autre. C'est une panacee commode a l'usage
des deux epoux, quand ils ont tous deux des rentes ou meme quand ils
n'ont rien. Mais que deviendront les enfants, sous la loi de ces
mariages ephemeres? Mme Sand ne s'en occupe pas. Pas davantage la
Sibylle, quand elle prepare dans le temple des _Invisibles_ les decrets
de l'avenir: "Oui, dit-elle, l'abandon de deux volontes qui se
confondent en une seule est un miracle, car toute ame est libre en vertu
d'un droit divin. Arriere donc les serments sacrileges et les lois
grossieres! Laissez-leur l'ideal, et ne les attachez pas a la realite
par les chaines de la loi. _Laissez a Dieu le soin de continuer le
miracle_." A merveille; mais enfin, si Dieu ne continue pas le miracle?
Si l'enthousiasme qui a entraine cet homme
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