assion qu'un an de combats et de
resistance a enracinee dans son coeur; je suis force de l'admirer, car
je pourrais l'aimer encore, y eut-elle cede au bout d'un mois. Nulle
creature humaine ne peut commander a l'amour, et nul n'est coupable pour
le ressentir et pour le perdre." Mais ou donc s'arretera cette
indulgence pour les egarements de l'amour? J'ai peur qu'elle ne s'etende
bien loin, jusqu'aux dernieres limites ou peut s'etendre la vie libre.
Je me rappelle involontairement une apologie tres vive (_pro domo sua_)
d'Isidora la courtisane, demontrant a Laurent que toutes ces femmes de
plaisir et d'ivresse qu'un stoicisme pueril meprise, ce sont les types
les plus rares et les plus puissants qui soient sortis des mains de la
nature. Mme Sand peut dire qu'Isidora parle ainsi par circonstance ou
par situation, et que d'ailleurs il ne faut pas discuter si severement
les folles pensees qui s'echangent au bal masque. Soit; mais plus loin,
dans le meme livre, Laurent developpe un theme analogue, et conclut
hardiment, devant la noble Alice, que la societe n'a pas donne d'autre
issue aux facultes de la femme, belle et intelligente, mais nee dans la
misere, que la corruption. Et la pudique Alice repond avec une expansion
douloureuse: "Vous avez raison, Laurent". Le mot est d'une bouche bien
grave, cette fois!
Dans toutes les fautes qui peuvent entrainer une femme, dans celles
memes qui l'avilissent aux yeux du monde, il n'y a de coupable que la
societe, qui entrave les libres elans de Dieu dans les ames. On va bien
loin avec cette theorie. J'ai peur que les ames qui, par malheur, la
prendraient au serieux, ne s'enervent dans une sorte de fatalisme
oriental. C'est la foi dans la liberte qui nous fait libres. Croyez-y
vigoureusement, vous la sentirez vivre et agir en vous. Cessez d'y
croire, et vous tomberez au rang de ces ames serviles que la passion
agite sous son joug de fer. On est libre dans la mesure ou l'on croit
l'etre, car c'est precisement cette affirmation de notre force qui nous
affranchit. Ceci est un dogme de la plus pure philosophie; c'est un
dogme religieux aussi, car la religion nous dit que la grace ne se
refuse pas a qui la merite par l'effort. Je ne pretends pas que l'homme
soit impeccable, ni que l'opinion doive s'armer d'une ridicule severite
pour chatier ses defaillances. Ce que je veux uniquement, c'est retablir
la responsabilite la ou elle doit etre, et empecher qu'on n'aggrave
encore des faiblesses tr
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