e autour de lui. C'etait vraiment pitoyable! N'y pouvant
plus tenir, il se leva et sortit.
Pendant quelques jours, il donna a entendre qu'il avait achete une mine
a Mexico et voulait liquider sa situation a Denver pour aller au plus
tot s'occuper de sa nouvelle propriete et la gerer lui-meme.
Il joua bien son role, annonca qu'il emporterait avec lui quarante mille
dollars, un quart en argent, le reste en billets; mais comme il avait
grandement besoin d'argent pour regler sa recente acquisition, il etait
decide a vendre a bas prix pour realiser en especes. Il vendit donc son
bien pour trente mille dollars. Puis, devinez ce qu'il fit.
Il exigea le paiement en monnaie d'argent, pretextant que l'homme avec
lequel il venait de faire affaire a Mexico etait un natif de
New-England, un maniaque plein de lubies qui preferait l'argent a l'or
ou aux traites. Le motif parut etrange, etant donne qu'une traite sur
New-York pouvait se payer en argent sans la moindre difficulte. On jasa
de cette originalite pendant un jour ou deux, puis ce fut tout, les
sujets de discussion ne durent d'ailleurs jamais plus longtemps dans ce
beau pays de Denver.
Je surveillais mon homme sans interruption; des que le marche fut conclu
et qu'il eut l'argent en poche, ce qui arriva le 11, je m'attachai a ses
pas, sans perdre de vue le moindre de ses mouvements. Cette nuit-la, ou
plutot le 12 (car il etait un peu plus de minuit), je le filai jusqu'a
sa chambre qui donnait sur le meme corridor que la mienne, puis, je
rentrai chez moi; j'endossai mon deguisement sordide de laboureur, me
maquillai la figure en consequence, et m'assis dans ma chambre obscure,
gardant a portee de ma main un sac plein de vetements de rechange. Je
laissai ma porte entrebaillee, me doutant bien que l'oiseau ne tarderait
pas a s'envoler. Au bout d'une demi-heure, une vieille femme passa; elle
portait un sac. Un coup d'oeil rapide me suffit pour reconnaitre Fuller
sous ce deguisement; je pris mon baluchon et le suivis.
Il quitta l'hotel par une porte de cote; et, tournant au coin de
l'etablissement, il prit une rue deserte qu'il remonta pendant quelques
instants, sans se preoccuper de l'obscurite et de la pluie. Il entra
dans une cour et monta dans une voiture a deux chevaux qu'il avait
commandee a l'avance; sans permission, je grimpe derriere, sur le coffre
a bagages, et nous partimes a grande allure. Apres avoir parcouru une
dizaine de milles, la voiture s'arreta a une pet
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