ssement du
train nous indiquait assez que la locomotive avait peine a lutter contre
la resistance croissante des elements. Le train stoppa plusieurs fois et
nous vimes au-dessus de nos tetes un double rempart de neige aveuglant
de blancheur, triste comme un mur de prison.
"Les conversations cesserent; la gaiete fit place a l'angoisse; la
perspective d'etre mures par la neige au milieu de la prairie deserte,
a cinquante lieues de toute habitation, se dressait comme un spectre
devant chacun de nous et jetait une note de tristesse sur notre bande
tout a l'heure si joyeuse.
"A deux heures du matin, je fus tire de mon sommeil agite par un arret
brusque. L'horrible verite m'apparut dans toute sa nudite hideuse: nous
etions bloques par la neige. "Tous les bras a la rescousse!" On se hata
d'obeir. Chacun redoubla d'efforts sous la nuit noire et la tourmente de
neige, parfaitement convaincu qu'une minute perdue pouvait causer notre
mort a tous. Pelles, planches, mains, tout ce qui pouvait deplacer la
neige fut requisitionne en un instant.
"Quel etrange spectacle de voir ces hommes lutter contre les neiges
amoncelees, et travailler d'arrache-pied, les uns plonges dans une
obscurite profonde, les autres eclaires par la lueur rougeatre du
reflecteur de la machine!
"Au bout d'une heure, nous etions fixes sur l'inutilite complete de nos
efforts; car la tempete remplissait en rafales les tranchees que nous
avions pratiquees. Pour comble de malheur, on decouvrit que les bielles
de la locomotive s'etaient brisees sous la resistance du poids a
deplacer. La route, eut-elle ete libre, devenait impraticable pour
nous!!
"Nous remontames dans le train, fatigues, mornes et decourages; nous
nous reunimes autour des poeles pour examiner l'etat de notre situation.
Nous n'avions pas de provisions de bouche; c'etait la le plus clair de
notre desastre! Largement approvisionnes de bois, nous ne risquions pas
de mourir de froid. C'etait deja une consolation.
"Apres une longue deliberation, nous reconnumes que le conducteur du
train disait vrai: en effet quiconque se serait risque a parcourir a
pied les cinquante lieues qui nous separaient du village le plus
rapproche aurait certainement trouve la mort. Impossible de demander du
secours, et l'eussions-nous demande, personne ne serait venu a nous. Il
nous fallait donc nous resigner et attendre patiemment du secours ou la
mort par la faim; je puis certifier que cette triste perspective
suff
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