etait en route
pour sa besogne nocturne; il n'avait naturellement pas endosse ses
habits des jours de fete, et ses sordides vetements de travail etaient
loin de sentir bon! Jimmy rentrait d'une journee ardue; il etait d'une
noirceur inimaginable; il portait ses balais sur son epaule, son sac a
suie a la ceinture; pas un trait de sa figure n'etait d'ailleurs
reconnaissable; on n'apercevait au milieu de cette noirceur que ses yeux
eveilles et brillants.
Ils s'assirent sur la margelle pour causer; bien entendu ils aborderent
l'unique sujet de conversation: le malheur de la nation, la maladie de
l'empereur. Jimmy avait concu un projet et il brulait du desir de
l'exposer.
Il confia donc son secret a son ami:
--Tommy, dit-il, je puis guerir Sa Majeste; je connais le moyen.
Tommy demanda stupefait:
--Comment, toi?
--Oui, moi.
--Mais, petit serin, les meilleurs medecins n'y arrivent pas.
--Cela m'est egal, moi j'y arriverai. Je puis le guerir en un quart
d'heure.
--Allons, tais-toi. Tu dis des betises.
--La verite. Rien que la verite!
Jimmy avait un air si convaincu que Tommy se ravisa et lui demanda:
--Tu m'as pourtant l'air sur de ton affaire, Jimmy. L'es-tu vraiment?
--Parole d'honneur.
--Indique-moi ton procede. Comment pretends-tu guerir l'empereur?
--En lui faisant manger une tranche de melon d'eau.
Tommy, ebahi, se mit a rire a gorge deployee d'une idee aussi absurde.
Il essaya pourtant de maitriser son fou rire, lorsqu'il vit que Jimmy
allait le prendre au tragique. Il lui tapa amicalement sur les genoux,
sans se preoccuper de la suie, et lui dit:
--Ne t'offusque pas, mon cher, de mon hilarite. Je n'avais aucune
mauvaise intention, Jimmy, je te l'assure. Mais, vois-tu, elle semblait
si drole, ton idee. Precisement dans ce camp ou sevit la dysenterie, les
medecins ont pose une affiche pour prevenir que ceux qui y
introduiraient des melons d'eau seraient fouettes jusqu'au sang.
--Je le sais bien, les idiots! dit Jimmy, sur un ton d'indignation et de
colere. Les melons d'eau abondent aux environs et pas un seul de ces
soldats n'aurait du mourir.
--Voyons, Jimmy, qui t'a fourre cette lubie en tete?
--Ce n'est pas une lubie, c'est un fait reconnu. Connais-tu le vieux
Zulu aux cheveux gris? Eh bien, voila longtemps qu'il guerit une masse
de nos amis; ma mere l'a vu a l'oeuvre et moi aussi. Il ne lui faut
qu'une ou deux tranches de melon; il ne s'inquiete pas si le mal est
enraci
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