yait que du
bleu, elle declara qu'elle ne trouvait rien de drole a cette aventure;
elle s'en retourna, et regagna son triste logis tres desappointee."
COMMENT J'AI TUE UN OURS
On a raconte tant d'histoires invraisemblables sur ma chasse a l'ours de
l'ete dernier, a Adirondack, qu'en bonne justice je dois au public, a
moi-meme et aussi a l'ours, de relater les faits qui s'y rattachent avec
la plus parfaite veracite. Et d'ailleurs il m'est arrive si rarement de
tuer un ours, que le lecteur m'excusera de m'etendre trop longuement
peut-etre sur cet exploit.
Notre rencontre fut inattendue de part et d'autre. Je ne chassais pas
l'ours, et je n'ai aucune raison de supposer que l'ours me cherchait. La
verite est que nous cueillions des mures, chacun de notre cote, et que
nous nous rencontrames par hasard, ce qui arrive souvent. Les voyageurs
qui passent a Adirondack ont souvent exprime le desir de rencontrer un
ours; c'est-a-dire que tous voudraient en apercevoir un, de loin, dans
la foret; ils se demandent d'ailleurs ce qu'ils feraient en presence
d'un animal de cette espece. Mais l'ours est rare et timide et ne se
montre pas souvent.
C'etait par une chaude apres-midi d'aout; rien ne faisait supposer qu'un
evenement etrange arriverait ce jour-la. Les proprietaires de notre
chalet eurent l'idee de m'envoyer dans la montagne, derriere la maison,
pour cueillir des mures. Pour arriver dans les bois, il fallait
traverser des prairies en pente, tout entrecoupees de haies, vraiment
fort pittoresques. Des vaches paturaient paisibles, au milieu de ces
haies touffues dont elles broutaient le feuillage. On m'avait
aimablement muni d'un seau, et prie de ne pas m'absenter trop longtemps.
Pourquoi, ce jour-la, avais je pris un fusil? Ce n'est certes pas par
intuition, mais par pur amour-propre. Une arme, a mon avis, devait me
donner une contenance masculine et contrebalancer l'effet deplorable
produit par le seau que je portais; et puis, je pouvais toujours faire
lever un perdreau (au fond j'aurais ete tres embarrasse de le tirer au
vol, et surtout de le tuer). Beaucoup de gens emploient des fusils pour
chasser le perdreau; moi je prefere la carabine qui mutile moins la
victime et ne la crible pas de plombs. Ma carabine etait une "Sharps",
faite pour tirer a balle. C'etait une arme excellente qui appartenait a
un de mes amis; ce dernier revait depuis des annees de s'en servir pour
tuer un cerf. Elle portait si juste qu
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