ien qu'avec de la patience, j'y arriverais!
Cinq minutes apres, Buckner se glissa furtivement au puits, l'air gene
et inquiet, et en examina le fond. Il comprit la situation et vit ce qui
etait arrive; il descendit l'echelle. Fetlock put remonter malgre son
grand affaiblissement et son emotion. Il etait livide; sa mine
effrayante parut impressionner Buckner qui essaya de lui temoigner un
regret et un semblant de sympathie; mais ces deux sentiments lui etaient
trop inconnus pour qu'il sut les exprimer.
--C'est un accident, lui dit-il. N'en parle a personne, n'est-ce pas?
J'etais enerve et ne savais plus tres bien ce que je faisais. Tu me
parais fatigue, tu as trop travaille aujourd'hui. Va a ma cabane et
mange tout ce que tu voudras; ensuite, repose-toi bien.
N'oublie pas que cet accident est du a mon seul enervement.
--Vous m'avez bien effraye, lui dit Fetlock en s'en allant, mais j'ai au
moins appris quelque chose, je ne le regrette pas.
--Pas difficile a contenter, marmotta Buckner en l'observant du coin de
l'oeil. Je me demande s'il en parlera; l'osera-t-il? Quelle guigne qu'il
n'ait pas ete tue!
Fetlock ne pensa pas a se reposer pendant le conge qui lui avait ete
accorde; il l'employa a travailler avec ardeur et a preparer,
fievreusement, son plan de vengeance. Des broussailles epaisses
couvraient la montagne du cote de la demeure de Flint. Fetlock s'y cacha
et adopta cette retraite pour machiner son complot. Ses derniers
preparatifs devaient se faire dans le bouge qui lui servait de hutte.
--S'il a le moindre soupcon a mon endroit, pensa-t-il, il a bien tort
de croire que je raconterai ce qui s'est passe; d'ailleurs, il ne le
croira pas longtemps; bientot il sera fixe. Demain je ne me departirai
pas de ma douceur et de ma timidite habituelles qu'il croit
inalterables. Mais apres-demain, au milieu de la nuit, sa derniere heure
aura sonne sans que personne au monde puisse soupconner l'auteur de sa
mort et la maniere dont elle sera survenue. Le piquant de la chose est
que lui-meme m'en ait suggere l'idee.
V
Le jour suivant s'ecoula sans aucun incident. Minuit va sonner et, dans
peu d'instants, une nouvelle journee commencera. La scene se passe au
bar, dans la salle de billard. Des hommes d'aspect commun, aux vetements
grossiers, coiffes de chapeaux a larges bords, portent leurs pantalons
serres dans de grosses bottes, ils sont tous en veston et se tiennent
groupes autour d'un poele de fonte
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