liege et des colliers de
bimbeloterie. Il n'y a ici ni moulins, ni eglise, ni journaux. Le camp
n'existe que depuis deux ans et la nouvelle de sa fondation n'a pas fait
sensation; on ignore generalement son nom et son emplacement.
Des deux cotes de Hope-Canyon, les montagnes se dressent a pic, formant
une muraille de trois mille pieds, et la longue file des huttes qui
s'echelonnent au fond de cet entonnoir ne recoit guere qu'une fois par
jour, vers midi, la caresse passagere du soleil. Le village s'etend sur
environ deux milles en longueur et les cabanes sont assez espacees l'une
de l'autre. L'auberge est la seule maison vraiment organisee; on peut
meme dire qu'elle represente la seule maison du camp. Elle occupe une
position centrale et devient, le soir, le rendez-vous de la population.
On y boit, on y joue aux cartes et aux dominos: il existe un billard
dont le tapis couture de dechirures a ete repare avec du taffetas
d'Angleterre. Il y a bien quelques queues, mais sans procedes; quelques
billes fendues qui, en roulant, font un bruit de casserole felee et ne
s'arretent que par soubresauts, et meme un morceau de craie ebrechee; le
premier qui arrive a faire six carambolages de suite peut boire tant
qu'il veut, aux frais du bar.
La case de Flint Buckner etait au sud, la derniere du village; sa
concession etait a l'autre extremite, au nord, un peu au-dela de la
derniere hutte dans cette direction. Il etait d'un caractere cassant,
peu sociable, et n'avait pas d'amis. Ceux qui essayaient de frayer avec
lui ne tardaient pas a le regretter et lui faussaient compagnie au bout
de peu de temps. On ne savait rien de son passe. Les uns croyaient que
Sammy Hillyer savait quelque chose sur lui: d'autres affirmaient le
contraire. Si on le questionnait a ce sujet, Sammy pretendait toujours
ignorer son passe. Flint avait a ses gages un jeune Anglais de seize
ans, tres timide et qu'il traitait durement, aussi bien en public que
dans l'intimite. Naturellement, on s'adressait a ce jeune homme pour
avoir des renseignements sur son patron, mais toujours sans succes.
Fetlock Jones (c'est le nom du jeune Anglais) racontait que Flint
l'avait recueilli en prospectant une autre mine, et comme lui-meme
n'avait en Amerique ni famille ni amis, il avait trouve sage d'accepter
les propositions de Buckner; en retour du labeur penible qui lui etait
impose, Jones recevait pour tout salaire du lard et des haricots.
C'etait tout ce que ce jeune homme
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