ite gare. Fuller en
descendit et s'assit sur un chariot remise sous la veranda, a une
distance calculee de la lumiere; j'entrai pour surveiller le guichet des
billets. Fuller n'en prenant pas, je l'imitai. Le train arriva: Fuller
se fit ouvrir un compartiment; je montai dans le meme wagon a l'autre
extremite, et suivant tranquillement le couloir, je m'installai derriere
lui. Lorsqu'il paya sa place au conducteur, il fallut bien indiquer sa
gare de destination; je me glissai alors un peu plus pres de lui pendant
que l'employe lui rendait sa monnaie.
Quand vint mon tour de payer, je pris un billet pour la meme station que
Fuller, situee a environ cent milles vers l'Ouest. A partir de ce
moment-la, et pendant une semaine, j'ai du mener une existence
impossible. Il poussait toujours plus loin dans la region Ouest. Mais,
au bout de vingt-quatre heures, il avait cesse d'etre une femme. Devenu
un bon laboureur comme moi, il portait de grands favoris roux. Son
equipement etait parfait, et il pouvait jouer son personnage mieux que
tout autre, puisqu'il avait ete reellement un ouvrier a gages. Son
meilleur ami ne l'aurait pas reconnu. A la fin, il s'etablit ici, dans
un camp perdu sur une petite montagne de Montana; il habite une maison
primitive et va prospecter tous les jours; du matin au soir, il evite
toute relation avec ses semblables.
J'ai pris pension a une guinguette de mineurs. Vous ne pouvez vous
figurer le peu de confortable que j'y trouve. Rien n'y manque: les
punaises, la salete, la nourriture infecte.
Voila quatre semaines que nous sommes ici, et pendant tout ce temps, je
ne l'ai apercu qu'une fois; mais, chaque nuit, je suis a la trace ses
allees et venues de la journee et me mets en embuscade pour l'observer.
Des qu'il a eu loue une hutte ici, je me suis rendu a cinquante mille
d'ici pour telegraphier a l'hotel de Denver de garder mes bagages
jusqu'a nouvel ordre. Ici je n'ai besoin que de quelques chemises de
rechange que j'ai eu soin d'apporter avec moi.
* * * * *
Silver Gulch, 12 juin.
Je crois que l'episode de Denver n'a pas eu son echo jusqu'ici. Je
connais presque tous les habitants du Camp et ils n'y ont pas encore
fait la moindre allusion, du moins, devant moi. Sans aucun doute, Fuller
se trouve tres heureux; il a loue a deux milles d'ici, dans un coin
retire de la montagne, une concession qui promet un bon rendement et
dont il s'occupe tres serieusement. Mais, m
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