ais finissez-en avec vos recits.
-- Ce n'est pas moi qui demande a les faire, c'est vous qui me
demandez pourquoi je suis en retard.
-- Sans doute; est-ce a moi d'arriver la premiere?
-- Eh! vous n'avez personne a chercher, vous.
-- Vous etes assommant, mon cher; mais continuez. Enfin, au coin
de la rue de Grenelle, vous apercevez un homme qui ressemble a La
Mole... Mais qu'avez-vous donc a votre pourpoint? du sang!
-- Bon! en voila encore un qui m'aura eclabousse en tombant.
-- Vous vous etes battu?
-- Je le crois bien.
-- Pour votre La Mole?
-- Pour qui voulez-vous que je me batte? pour une femme?
-- Merci!
-- Je le suis donc, cet homme qui avait l'impudence d'emprunter
des airs de mon ami. Je le rejoins a la rue Coquilliere, je le
devance, je le regarde sous le nez a la lueur d'une boutique. Ce
n'etait pas lui.
-- Bon! c'etait bien fait.
-- Oui, mais mal lui en a pris. Monsieur, lui ai-je dit, vous etes
un fat de vous permettre de ressembler de loin a mon ami M. de La
Mole, lequel est un cavalier accompli, tandis que de pres on voit
bien que vous n'etes qu'un truand. Sur ce, il a mis l'epee a la
main et moi aussi. A la troisieme passe, voyez le mal appris! il
est tombe en m'eclaboussant.
-- Et lui avez-vous porte secours, au moins?
-- J'allais le faire quand est passe un cavalier. Ah! cette fois,
duchesse, je suis sur que c'etait La Mole. Malheureusement le
cheval courait au galop. Je me suis mis a courir apres le cheval,
et les gens qui s'etaient rassembles pour me voir battre, a courir
derriere moi. Or, comme on eut pu me prendre pour un voleur, suivi
que j'etais de toute cette canaille qui hurlait apres mes
chausses, j'ai ete oblige de me retourner pour la mettre en fuite,
ce qui m'a fait perdre un certain temps. Pendant ce temps le
cavalier avait disparu. Je me suis mis a sa poursuite, je me suis
informe, j'ai demande, donne la couleur du cheval; mais, baste!
inutile: personne ne l'avait remarque. Enfin, de guerre lasse, je
suis venu ici.
-- De guerre lasse! dit la duchesse; comme c'est obligeant!
-- Ecoutez, chere amie, dit Coconnas en se renversant
nonchalamment dans un fauteuil, vous m'allez encore persecuter a
l'endroit de ce pauvre La Mole; eh bien! vous aurez tort: car
enfin, l'amitie, voyez-vous... Je voudrais avoir son esprit ou sa
science, a ce pauvre ami; je trouverais quelque comparaison qui
vous ferait palper ma pensee... L'amitie, voyez-vous, c'est une
etoile
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