sur
la place de la Revolution. C'est bien loin de chez moi; mais les
fusees montaient si haut, qu'on voyait tres bien; il y en avait qui
lancaient des flammes tricolores; c'etait superbe.
Il y a eu des courses de chameaux, au Champ-de-Mars. Des hommes
habilles en Bedouins etaient montes sur des chevaux et sur des
dromadaires. L'un d'eux est tombe et s'est tue. Puis une revue de
toutes les troupes sur le boulevard; on dit qu'il y avait cent
cinquante mille hommes. Tout cela serait bien amusant avec moins de
monde pour regarder. On risque d'etre etouffe dans la foule, et les
trois quarts ne voient rien, parce qu'on a trop de personnes devant et
alentour. Tous les spectacles jouaient _gratis_, c'est-a-dire qu'on
entrait sans payer. Enfin on tirait des coups de fusil, des petards,
des _boites a feu_, dans toutes les maisons, dans toutes les rues.
Cela a dure deux jours entiers. On aurait dit qu'on se battait dans
Paris. Je suis bien aise que ce soit fini et que la ville reprenne sa
tranquillite.
Ecris-moi bien souvent et dis-moi tout ce que tu fais; tes lettres
sont trop courtes. Embrasse ta soeur pour moi et aime-la bien. Adieu,
mon cher petit; pense a ta petite mere, qui t'embrasse un million de
fois.
[1] _Les Enfants d'Edouard_, de Paul Delaroche.
LXXIV
A MADAME MAURICE DUPIN, A PARIS
Nohant, 9 septembre 1831.
Ma chere maman,
Je suis arrivee en bonne sante. Merci de votre petite lettre. Je suis
coupable de ne vous avoir pas prevenue, mais j'etais si lasse et, en
meme temps, si contente de revoir mes enfants!
J'ai trouve mon mari a Chateauroux; il etait venu au-devant de moi
avec Maurice. Celui-ci est toujours maigre, sa soeur toujours enorme,
Nohant toujours tranquille, la Chatre toujours bete. Le precepteur est
parti en vacances; je le remplace pour le francais et la geographie,
Casimir pour le latin et le calcul. Vous voyez que c'est une vie
edifiante. Cela n'empechera pas qu'on ne me trouve tres coupable. Les
gens qui n'ont rien a faire cherchent des torts a autrui pour
s'occuper; c'est une maniere comme une autre de passer le temps. Moi,
je persevere dans une tranquillite qui les demonte.
Je n'ai pas vu Caroline; embrassez-la pour moi. Tachez de m'envoyer
Hippolyte et sa femme. J'ai trouve mon mari tres bien; je crois qu'il
serait bien facile a Hippolyte de le tenir toujours dispose en ma
faveur. Il ne faudrait que le vouloir, et fermer l'oreille aux sa
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