e cheval et la femme face au
fosse de la route et, tout en tenant la bete par la tete, a se placer
entre elle et nous; nous passons sans paraitre les voir, selon le mot
d'ordre; a quelques pas je les photographie, mais c'est sans qu'il s'en
doute que je commets ce qu'il regarderait comme un attentat a l'honneur
feminin.
Au debouche des vallees montagneuses du Vardar et de son affluent le
Padalichtar, Gostivar dissimule derriere des rideaux d'arbres, dans la
plaine d'alluvions, ses mille maisons. Il est devenu depuis quelques
annees un centre important presque entierement albanais; les neuf
dixiemes des habitants sont arnautes, le reste bulgare, avec quelques
Serbes et quelques Turcs. On accede a la ville par un large pont de
bois sur le Vardar; au dela, un jardin public etend ses ombrages et des
arbres de belle venue entourent toutes les maisons; aussi, malgre
l'aspect assez miserable des masures, la bourgade a-t-elle un caractere
assez plaisant; a la tombee du jour, nous croisons plusieurs Albanaises
severement encloses dans des robes noires et des voiles blancs qui leur
ceignent la tete et la figure et tombent jusqu'aux genoux.
Nous arrivons chez un des notables de la ville, Kiamil bey, le bey le
plus influent de Gostivar, qui groupe autour de lui tous les grands
proprietaires albanais et qui d'ailleurs etait assez hostile aux
Jeunes-Turcs, mais il est en ce moment absent; un autre, Yachar bey, est
au contraire a son tchiflick et je me rends chez lui; sa maison est pres
de la ville et presente l'aspect d'une de nos demeures de village: c'est
un batiment a un etage, le toit est recouvert de tuiles, les fenetres
tout ordinaires; si banale est l'habitation, singulierement typique est
l'homme. Je suis recu par Yachar bey en personne et son fils Azam bey.
Yachar presente l'aspect saisissant d'un patriarche des ages recules:
il dit avoir quatre-vingt-dix ans, mais dresse sa haute et droite taille
avec fierte; son corps reste mince donne une singuliere impression
d'ossature puissante, recouverte d'un solide parchemin; sur ce grand
corps, une tete d'aigle au nez fortement arque vous fixe de ses yeux
noirs, ou la flamme de la vie brille toujours; il est vetu d'une grande
robe de laine blanche qui tombe jusqu'aux pieds; il s'enveloppe dans un
manteau noir ou le laisse tomber autour de lui sur le banc ou il est
assis; les pieds restent nus, et un turban blanc noue autour de la tete
termine la silhouette etrange. Les mains t
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