nnees, pour n'eclater
qu'en 1880; mais alors pendant trente ans elle a separe profondement les
deux peuples jusqu'au jour ou l'un d'eux a abdique en Egypte au profit
de l'autre. Si l'Albanie devient une Egypte italo-autrichienne dont le
canal d'Otrante serait l'isthme de Suez, qui peut dire combien de temps
durera chacune des periodes d'histoire de ce condominium, ni comment
finira ce dernier?
Aussi, si l'attitude de notre pays en Albanie doit etre une politique
d'expectative, cela ne veut point dire que nous n'ayons qu'a laisser
face a face les deux rivaux et a quitter le terrain. Il est
international de par les traites; donc restons-y, jusqu'au jour du moins
ou l'on nous paiera cet abandon; des institutions internationales
doivent etre creees en Albanie; gardons-y notre place, comme en Egypte
les puissances de la Triplice eurent le soin de le faire, pour jouer
plus facilement et du dedans de la rivalite franco-anglaise et pour
conserver une monnaie d'echange. Mais, si nous devons veiller a garder
le plus possible le caractere international aux organisations
economiques albanaises et a y reserver notre role jusqu'au jour ou, par
une tractation interessee, nous pourrons etre amenes a l'abandonner, il
serait contraire a cette politique d'expectative de lier nos votes a
ceux d'une des deux rivales.
Soyons neutres entre elles; nous n'avons rien a gagner en ce moment a
nous aliener l'une d'elles; assurons-les, tout au contraire, de notre
concours complet en vue de la bonne organisation de l'Etat albanais et
du respect de leurs interets legitimes. Mais gardons notre place et
observons le menage italo-autrichien, non de loin en spectateur, mais de
pres en acteur, gardant en main tous les atouts d'une partie qui peut un
jour se jouer.
L'Albanie, constituee ainsi sous le protectorat de fait de ses deux
puissants voisins, est-elle gouvernable? Certains pretendent volontiers
qu'elle est incapable de toute vraie civilisation; M. Gustave Lanson,
presentant une critique de mon ouvrage _l'Albanie inconnue_, ecrit:
"N'oublions pas que, si le Turc est souvent un excellent homme, le
regime turc fut toujours une detestable chose. Depuis 1360 qu'ils ont
Andrinople, depuis 1453 qu'ils ont Constantinople, ces vainqueurs
ont-ils etabli en Macedoine et en Thrace un gouvernement tolerable aux
vaincus? La conquete ne cree pas par elle-meme un droit: elle se
legitime avec le temps par la reconciliation du peuple conquis et son
consentemen
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