eme temps l'esprit
national; qui s'est fait musulman, et notamment la plupart des grandes
familles slaves au temps de la conquete, a epouse les sentiments
patriotiques du vainqueur. Dans le creuset de la religion de Mahomet,
l'esprit national s'est evapore.
Or, au creuset de l'islam, la nationalite albanaise seule en Turquie
d'Europe ne s'est pas fondue; des Albanais, les uns sont demeures
chretiens, la majorite est devenue musulmane; mais le musulman albanais
est reste albanais, seule exception dans les Balkans a l'adage que les
nationalites y sont des religions, et illustre exemple de la profondeur
et de la force du sentiment national albanais.
Depuis le XIVe siecle, ce sentiment national a fait ses preuves; lorsque
la maree de la conquete turque passa sur tous les peuples des Balkans,
le Slave ne paraissait plus etre qu'une denomination, le Grec ne
semblait vivant que par la litterature et le phanar; seuls le Juif et
l'Albanais maintenaient intacte leur nationalite et l'affirmaient: dans
ses montagnes ou il s'etait retranche, le Shkipetar gardait sa langue,
sa conscience nationale, meme son type physique et sa race; quelques
melanges se produisaient bien avec les Slaves dans la vallee de Dibra
ou avec les Grecs en Epire, mais le centre de l'Albanie restait intact;
l'Albanais restait si bien albanais et s'assimilait si peu au Turc que
les sultans se servaient d'eux pour dominer leurs autres sujets; ils
exploitaient cette difference de sentiment en favorisant de toutes
manieres les Arnautes et en les utilisant pour les besoins de leur
pouvoir personnel et pour la domination des Turcs.
Quand, au souffle des idees nouvelles, les religions chretiennes de
l'empire ottoman se sont muees en nationalites, la Porte s'est trouvee
privee de points d'appui solides en Macedoine; en Thrace, les campements
turcs etaient nombreux et suffisaient pour assurer le pouvoir de
Constantinople sur des adversaires divises; mais dans la Macedoine, dans
l'Epire, dans la Vieille-Serbie, les Turcs etaient trop peu nombreux
pour constituer la force sociale necessaire.
Avec un veritable genie politique, Abdul-Hamid comprit que l'Albanais
devait remplacer le Turc; des lors, sa ligne de conduite fut tracee et
appliquee avec suite: par l'Albanie musulmane, il domina la Macedoine;
en consequence, a l'interieur de l'Albanie, personne ne devait
penetrer, ni aucune idee moderne s'infiltrer; les tribus et les beys
recevaient satisfactions et privil
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