eges; mais toute tentative
d'organisation etait rigoureusement reprimee et son auteur exile; la
division etait soigneusement cultivee entre tribus, religions,
influences; on attirait a l'exterieur de l'Albanie, notamment a
Constantinople, les personnalites marquantes, on les entourait de
faveurs, et tout ce qui etait albanais s'y trouvait sous la protection
personnelle du Sultan; ceci fait, on favorisait l'infiltration albanaise
et la domination sociale des Albanais sur les trois fronts, au nord
contre les Serbes, au sud et au sud-est contre les Grecs, au nord-est et
a Test contre les Bulgares.
Aussi, le grand phenomene social en Albanie pendant les trente dernieres
annees a-t-il ete l'expansion des Albanais au dela des montagnes qui
etaient leur demeure traditionnelle; au nord, au moment de la guerre, la
conquete pacifique de la Vieille-Serbie etait presque accomplie; les
Serbes etaient rejetes a la frontiere et mis en minorite meme a
Prichtina; la preponderance albanaise s'affirmait dans la plaine
d'Uskub et dans la ville elle-meme; a l'est, les Albanais debordaient le
lac d'Okrida, noyaient les cites de Struga et d'Okrida dans une campagne
albanaise et gagnaient de l'influence dans ces deux villes; a Monastir,
ils se fortifiaient chaque jour; dans le nord-est, ils conqueraient de
meme sur les Bulgares toute la haute vallee du Vardar et devenaient la
majorite a Kalkandelem et a Gostivar; ils poussaient leurs villages vers
la Macedoine centrale, et les ambitieux les voyaient deja entourant
Salonique; au sud, en Epire, il n'en etait pas autrement. Ainsi, en un
vaste eventail, les Albanais poussaient leurs villages et leurs domaines
vers la frontiere serbe, Uskub, la Macedoine centrale, Monastir, Janina
et le golfe d'Arta. L'un de leurs chefs me disait: "Si Abdul-Hamid etait
reste cinquante ans encore sur le trone, la Turquie d'Europe, la Thrace
exceptee, serait devenue albanaise."
La methode d'expansion suivie par les Albanais consistait en deux
procedes: c'etait la conquete tantot par les boys, tantot par les
paysans.
Dans les regions les plus lointaines, au milieu des populations
chretiennes, en Epire ou dans la plaine d'Uskub par exemple, les
grandes proprietes, les tchiflik, etaient acquises ou prises par des
beys albanais; ils amenaient un intendant albanais et reduisaient sous
leur domination tout le peuple des fermiers chretiens; ceux-ci, tenus
dans un demi-servage, etaient a la merci du seigneur.
Dans l
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