eveloppement de ces Etats qui est en jeu, et j'affirme seulement que
ni la Serbie ni la Grece ne sont assez riches, assez prosperes et assez
fortes pour braver le sentiment public international et jouer au Germain
en Posnanie, non plus que pour user leurs ressources a noyer des
revoltes dans le sang, a guerroyer contre des guerillas et a pacifier
un pays traditionnellement insoumis.
Si j'avance pareille opinion, c'est que le spectacle des faits m'a
convaincu de la profondeur du sentiment national albanais. Je me
rappelle avoir lu, je ne sais ou, une lettre d'un correspondant de
journal qui affirmait l'inexistence de la nationalite albanaise, et il
etayait sa demonstration sur le fait que les Albanais se trouvent
divises sur la plupart des questions; a pareille objection, quelle
nationalite subsisterait?
Qu'entre Albanais de profonds desaccords existent, qui l'ignore? mais le
seul point interessant est de savoir s'ils se sentent tous Albanais et
si tous rejettent une domination qu'ils tiennent pour etrangere; or,
soyez sur que meme Ismail Kemal et Mgr Primo Dochi, quand ils recoivent
des concours de l'Autriche, savent et sentent qu'ils emploient les memes
moyens que Conde, recevant secours des Espagnols contre Mazarin, ou les
revolutionnaires mexicains attendant des armes des Etats-Unis contre le
president au pouvoir; c'est precisement une des plus vives impressions
de mon voyage en Albanie que le souvenir de la force du sentiment
national albanais dans toutes les regions du pays.
Je dirai meme que de tous ces "nationalismes", qui ont survecu a la
conquete turque et que la force imponderable des idees a ranimes au XIXe
siecle, l'Albanais est le plus remarquable. Tous sont reconnaissables a
un seul caractere, qui n'est ni la langue, ni la tradition, ni
l'histoire, ni la religion, mais la conscience nationale; langue,
tradition, histoire, religion servent a la former, a la conserver, a
l'accroitre; mais le sentiment personnel est seul decisif: qui se sent
Serbe est Serbe, meme s'il parle bulgare, si son pere se disait bulgare,
si son village etait jadis sur le territoire des anciens tzars de
Bulgarie, s'il va a l'eglise de l'exarque.
Or, quels sont ces "nationalismes" des Balkans? Du turc, du grec, du
bulgare, du serbe, il suffit de rappeler le nom. Les Valaques aux
origines incertaines sont trop dissemines pour qu'ils aient la
possibilite materielle de constituer un Etat; quant aux juifs, si nous
etions encore au
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