rs; a terre a ete prepare un matelas et des draps recouverts d'etoffes
de soie aux couleurs vives; c'est ici que je vais passer la nuit, quand
nous aurons dine. Le bey fait apporter une table et m'invite a apprecier
l'excellence de la cuisine du couvent: tour a tour nous sont servis une
soupe ou trempent des viandes diverses, des canards rotis, des
aubergines fort bien appretees et des poires; je le felicite sur la
perfection des mets et lui dis en riant qu'il n'y a que dans les
monasteres qu'on puisse manger convenablement dans les Balkans, opinion
a laquelle il se range aussitot.
Le lendemain est jour de marche et je ne manque pas de m'y rendre; la
plus grande animation regne dans les rues de la ville; il y a foule dans
le centre ou les marchandes etalent des deux cotes de la rue leurs
produits; les villageoises musulmanes et chretiennes sont accroupies a
terre cote a cote, leurs marchandises etendues devant elles sur un grand
linge a meme le sol; elles se rangent par specialites; voici celles qui
vendent des etoffes filees et brodees a la main, des mouchoirs, des
voiles, des turbans, des gilets, des chemises de laine blanche, des
serviettes; celles-ci ont de beaux boleros albanais tisses d'or, de
fabrication ancienne, dont elles se defont; d'autres apportent les
produits de leurs champs, des fruits de toute sorte, des poires, des
raisins, des melons, des pasteques; dans un angle de la grande place
c'est le marche du ble, des haricots et de la farine; ailleurs,
l'acheteur trouve les mille ustensiles d'usage courant que des
colporteurs des deux sexes amenent d'Uskub; ici, ce sont tous les objets
utiles a la culture; la, les armes et les couteaux, ceux d'autrefois et
ceux d'aujourd'hui, la pacotille de l'Europe centrale ou les beaux
pistolets de cuivre incruste.
Dans les rues, c'est un tohu-bohu de gens de la ville et des environs,
venant les uns pour vendre, les autres pour acheter; ce sont des
conversations, des reconnaissances, des cris, des disputes; on
s'interpelle, on se coudoie, on se salue, on se heurte et on passe non
sans peine. Voici des charrettes de paysans qui arrivent ou partent;
sous les baches des voitures des objets de toute sorte sont amonceles,
et les attelages de boeufs ou parfois de buffles tirent dru vers la
plaine d'Uskub ou la vallee de Tetovo et de Gostivar.
Necessite fait loi, et ces Albanaises si severement voilees et
enroulees dans leurs etoffes blanches et noires doivent laisser voir
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