nes, au flanc des hauteurs; les maisons y sont agglomerees et les
rives du Vardar n'en portent presque aucune; quelques grands tchiflik et
quelques fermes sont les seuls batiments qu'on rencontre au milieu des
champs mis en cultures de la plaine d'Uskub.
Pour me rendre compte de ce que sont les grands domaines dans cette
region et du role qu'y jouent les Albanais, j'en visite deux des plus
importants, celui de Bardoftza et celui de Tatalidja. Le premier est la
propriete de Rechid Akif pacha, bey albanais, de la famille d'Avzi
pacha, le premier pacha venu a Uskub; nous penetrons dans un veritable
chateau feodal, forme de trois corps de batiments successifs, le premier
pour les serviteurs et le betail, le second pour le selamlik, le
troisieme pour le haremlik; une large terrasse vitree au premier etage
du selamlik permet de jouir de la vue de la plaine; de grandes pieces
ornees de fresques naives presentent un aspect seigneurial; des bains
meme y sont amenages et l'on semble attendre un hote toujours absent;
ces batiments sont entoures de murs enormes perces de meurtrieres; sept
koule ou tours en defendent les approches; c'est une vraie forteresse.
L'intendant me fait visiter les lieux: le maitre est proprietaire de 20
000 dolums; cinquante fermiers en dependent et partagent par moitie les
recoltes avec le bey; ils cultivent le ble, le riz, le mais, l'orge, les
haricots, les fruits, le tabac, l'opium; chaque paysan a sa maison et
ses bestiaux et il reste sa vie durant sur la terre, en en transmettant
l'exploitation a ses descendants. Bardoftza est certainement de toutes
les demeures de bey, celle qui presente l'aspect le plus imposant; c'est
un chateau princier, mais vide et froid.
Tatalidja est moins grandiose; le proprietaire est aussi un Albanais,
Kiany bey, fils de Gaby bey; l'intendant, Albanais egalement, est loin
d'avoir l'allure de celui de Bardoftza: c'est un rude paysan qui mene a
la baguette les Bulgares, hommes et femmes, qui sont au travail. Au
milieu d'une large cour, le haremlik dresse ses etages, que domine une
terrasse couverte; devant la cour, une suite de hangars abrite des
taudis, ou vivent les paysans. Je demande la permission d'en visiter un:
je descends dans une sorte de cave; sur la terre, quelques pierres
supportent des ustensiles; des murs en terre battue separent cette
habitation de la voisine; dans un angle, un carre de terre surelevee est
couvert d'un peu de feuillage: c'est le lit; aucun
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