le linge blanc.
Il ne s'eveilla point, mais il cessa de ronfler.
Pierre, penche vers lui, le contemplait d'un oeil avide. Non, ce
jeune homme-la ne ressemblait pas a Roland; et, pour la seconde fois,
s'eveilla dans son esprit le souvenir du petit portrait disparu de
Marechal. Il fallait qu'il le trouvat! En le voyant, peut-etre, il ne
douterait plus.
Son frere remua, gene sans doute par sa presence, ou par la lueur de sa
bougie penetrant ses paupieres. Alors le docteur recula, sur la pointe
des pieds, vers la porte, qu'il referma sans bruit; puis il retourna
dans sa chambre, mais il ne se coucha pas.
Le jour fut lent a venir. Les heures sonnaient, l'une apres l'autre, a
la pendule de la salle a manger, dont le timbre avait un son profond et
grave, comme si ce petit instrument d'horlogerie eut avale une cloche de
cathedrale. Elles montaient, dans l'escalier vide, traversaient les
murs et les portes, allaient mourir au fond des chambres dans l'oreille
inerte des dormeurs. Pierre s'etait mis a marcher de long en large, de
son lit a sa fenetre. Qu'allait-il faire? Il se sentait trop bouleverse
pour passer ce jour-la dans sa famille. Il voulait encore rester seul,
au moins jusqu'au lendemain, pour reflechir, se calmer, se fortifier
pour la vie de chaque jour qu'il lui faudrait reprendre.
Eh bien! il irait a Trouville, voir grouiller la foule sur la plage.
Cela le distrairait, changerait l'air de sa pensee, lui donnerait le
temps de se preparer a l'horrible chose qu'il avait decouverte.
Des que l'aurore parut, il fit sa toilette et s'habilla. Le brouillard
s'etait dissipe, il faisait beau, tres beau. Comme le bateau de
Trouville ne quittait le port qu'a neuf heures, le docteur songea qu'il
lui faudrait embrasser sa mere avant de partir.
Il attendit le moment ou elle se levait tous les jours, puis il
descendit. Son coeur battait si fort en touchant sa porte qu'il s'arreta
pour respirer. Sa main, posee sur la serrure, etait molle et vibrante,
presque incapable du leger effort de tourner le bouton pour entrer. Il
frappa. La voix de sa mere demanda:
--Qui est-ce?
--Moi, Pierre.
--Qu'est-ce que tu veux?
--Te dire bonjour parce que je vais passer la journee a Trouville avec
des amis.
--C'est que je suis encore au lit.
--Bon, alors ne te derange pas. Je t'embrasserai en rentrant, ce soir.
Il espera qu'il pourrait partir sans la voir, sans poser sur ses joues
le baiser faux qui lui soulevait le coeur d'a
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