mier voyage le mois
prochain.
Roland s'etonnait:
--Deja! Je croyais qu'il ne serait pas en etat de prendre la mer cet
ete.
--Pardon; on a pousse les travaux avec ardeur pour que la premiere
traversee ait lieu avant l'automne. J'ai passe ce matin aux bureaux de
la Compagnie et j'ai cause avec un des administrateurs.
--Ah! ah! lequel?
--M. Marchand, l'ami particulier du president du conseil
d'administration.
--Tiens, tu le connais?
--Oui. Et puis j'avais un petit service a lui demander.
--Ah! alors tu me feras visiter en grand detail la _Lorraine_ des
qu'elle entrera dans le port, n'est-ce pas?
--Certainement, c'est tres facile!
Jean paraissait hesiter, chercher ses phrases, poursuivre une
introuvable transition. Il reprit:--En somme, c'est une vie tres
acceptable qu'on mene sur ces grands transatlantiques. On passe plus de
la moitie des mois a terre dans deux villes superbes, New-York et le
Havre, et le reste en mer avec des gens charmants. On peut meme faire
la des connaissances tres agreables et tres utiles pour plus tard, oui,
tres utiles, parmi les passagers. Songe que le capitaine, avec les
economies sur le charbon, peut arriver a vingt-cinq mille francs par an,
sinon plus ...
Roland fit un "bigre!" suivi d'un sifflement, qui temoignaient d'un
profond respect pour la somme et pour le capitaine.
Jean reprit:
--Le commissaire de bord peut atteindre dix mille, et le medecin a
cinq mille de traitement fixe, avec logement, nourriture, eclairage,
chauffage, service, etc., etc. Ce qui equivaut a dix mille au moins,
c'est tres beau.
Pierre, qui avait leve les yeux, rencontra ceux de son frere, et le
comprit.
Alors, apres une hesitation, il demanda:
--Est-ce tres difficile a obtenir, les places de medecin sur un
transatlantique?
--Oui et non. Tout depend des circonstances et des protections.
Il y eut un long silence, puis le docteur reprit:
--C'est le mois prochain que part la _Lorraine_?
--Oui, le sept. Et ils se turent.
Pierre songeait. Certes ce serait une solution s'il pouvait s'embarquer
comme medecin sur ce paquebot. Plus tard on verrait; il le quitterait
peut-etre. En attendant il y gagnerait sa vie sans demander rien a sa
famille. Il avait du, l'avant-veille, vendre sa montre, car maintenant
il ne tendait plus la main devant sa mere! Il n'avait donc aucune
ressource, hors celle-la, aucun moyen de manger d'autre pain que le pain
de la maison inhabitable, de dormir da
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