'aimerai tant que tu n'y penseras plus.
--Oh! oh! comme si c'etait possible!
--Oui, c'est possible.
--Comment veux-tu que je n'y pense plus entre ton frere et toi? Est-ce
que vous n'y penserez plus, vous?
--Moi. Je te le jure!
--Mais tu y penseras a toutes les heures du jour.
--Non, je te le jure. Et puis, ecoute: si tu pars, je m'engage et je me
fais tuer.
Elle fut bouleversee par cette menace puerile et etreignit Jean en le
caressant avec une tendresse passionnee. Il reprit:
--Je t'aime plus que tu ne crois, va, bien plus, bien plus. Voyons, sois
raisonnable. Essaye de rester seulement huit jours. Veux-tu me promettre
huit jours? Tu ne peux pas me refuser ca?
Elle posa ses deux mains sur les epaules de Jean, et le tenant a la
longueur de ses bras:
--Mon enfant ... tachons d'etre calmes et de ne pas nous attendrir.
Laisse-moi te parler d'abord. Si je devais une seule fois entendre sur
tes levres ce que j'entends depuis un mois dans la bouche de ton frere,
si je devais une seule fois voir dans tes yeux ce que je lis dans les
siens, si je devais deviner rien que par un mot ou par un regard que je
te suis odieuse comme a lui ... une heure apres, tu entends, une heure
apres ... je serais partie pour toujours.
--Maman, je te jure ...
--Laisse-moi parler ... Depuis un mois j'ai souffert tout ce qu'une
creature peut souffrir. A partir du moment ou j'ai compris que ton
frere, que mon autre fils me soupconnait, et qu'il devinait, minute par
minute, la verite, tous les instants de ma vie ont ete un martyre qu'il
est impossible de t'exprimer.
Elle avait une voix si douloureuse que la contagion de sa torture emplit
de larmes les yeux de Jean.
Il voulut l'embrasser, mais elle le repoussa.
--Laisse-moi ... ecoute ... j'ai encore tant de choses a te dire pour
que tu comprennes ... mais tu ne comprendras pas ... c'est que ... si je
devais rester ... il faudrait ... Non, je ne peux pas! ...
--Dis, maman, dis.
--Eh bien! oui. Au moins je ne t'aurai pas trompe ... Tu veux que je
reste avec toi, n'est-ce pas? Pour cela, pour que nous puissions nous
voir encore, nous parler, nous rencontrer toute la journee dans la
maison, car je n'ose plus ouvrir une porte dans la peur de trouver
ton frere derriere elle, pour cela il faut, non pas que tu me
pardonnes,--rien ne fait plus do mal qu'un pardon,--mais que tu ne m'en
veuilles pas de ce que j'ai fait ... Il faut que tu te sentes assez
fort, assez different
|