trouve ce portrait?
Elle ouvrit des yeux surpris:
--Quel portrait?
--Le portrait de Marechal.
--Non ... c'est-a-dire oui ... je ne l'ai pas retrouve, mais je crois
savoir ou il est.
--Quoi donc? demanda Roland.
Pierre lui dit:
--Un petit portrait de Marechal qui etait autrefois dans notre salon a
Paris. J'ai pense que Jean serait content de le posseder.
Roland s'ecria:
--Mais oui, mais oui, je m'en souviens parfaitement; je l'ai meme
vu encore a la fin de l'autre semaine. Ta mere l'avait tire de son
secretaire en rangeant ses papiers. C'etait jeudi ou vendredi. Tu te
rappelles bien, Louise? J'etais en train de me raser quand tu l'as pris
dans un tiroir et pose sur une chaise a cote de toi, avec un tas de
lettres dont tu as brule la moitie. Hein? est-ce drole que tu aies
touche a ce portrait deux ou trois jours a peine avant l'heritage de
Jean? Si je croyais aux pressentiments, je dirais que c'en est un!
Mme Roland repondit avec tranquillite:
--Oui, oui, je sais ou il est; j'irai le chercher tout a l'heure.
Donc elle avait menti! Elle avait menti en repondant, ce matin-la meme,
a son fils qui lui demandait ce qu'etait devenue cette miniature: "Je ne
sais pas trop ... peut-etre que je l'ai dans mon secretaire."
Elle l'avait vue, touchee, maniee, contemplee quelques jours auparavant,
puis elle l'avait recachee dans le tiroir secret, avec des lettres, ses
lettres a lui.
Pierre regardait sa mere, qui avait menti! Il la regardait avec une
colere exasperee de fils trompe, vole dans son affection sacree, et avec
une jalousie d'homme longtemps aveugle qui decouvre enfin une trahison
honteuse. S'il avait ete le mari de cette femme, lui, son enfant, il
l'aurait saisie par les poignets, par les epaules ou par les cheveux, et
jetee a terre, frappee, meurtrie, ecrasee! Et il ne pouvait rien dire,
rien faire, rien montrer, rien reveler. Il etait son fils, il n'avait
rien a venger, lui, on ne l'avait pas trompe.
Mais oui, elle l'avait trompe dans sa tendresse, trompe dans son pieux
respect. Elle se devait a lui irreprochable, comme se doivent toutes
les meres a leurs enfants. Si la fureur dont il etait souleve arrivait
presque a de la haine, c'est qu'il la sentait plus criminelle envers lui
qu'envers son pere lui-meme.
L'amour de l'homme et de la femme est un pacte volontaire ou celui qui
faiblit n'est coupable que de perfidie; mais quand la femme est devenue
mere, son devoir a grandi puisque la nat
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