FREE BOOKS

Author's List




PREV.   NEXT  
|<   70   71   72   73   74   75   76   77   78   79   80   81   82   83   84   85   86   87   88   89   90   91   92   93   94  
95   96   97   98   99   100   101   102   103   104   105   106   107   108   109   110   111   112   113   114   115   116   117   118   119   >>   >|  
nous a pas oublies. Jean, a son tour, tendit le bras pour prendre le portrait. Il le contempla quelques instants, puis, avec regret: --Moi, je ne le reconnais pas du tout. Je ne me le rappelle qu'avec ses cheveux blancs. Et il rendit la miniature a sa mere. Elle y jeta un regard rapide, vite detourne, qui semblait craintif; puis de sa voix naturelle: --Cela t'appartient maintenant, mon Jeannot, puisque tu es son heritier. Nous le porterons dans ton nouvel appartement. Et comme on entrait au salon, elle posa la miniature sur la cheminee, pres de la pendule, ou elle etait autrefois. Roland bourrait sa pipe, Pierre et Jean allumerent des cigarettes. Ils les fumaient ordinairement l'un en marchant a travers la piece, l'autre assis, enfonce dans un fauteuil, et les jambes croisees. Le pere se mettait toujours a cheval sur une chaise et crachait de loin dans la cheminee. Mme Roland, sur un siege bas, pres d'une petite table qui portait la lampe, brodait, tricotait ou marquait du linge. Elle commencait, ce soir-la, une tapisserie destinee a la chambre de Jean. C'etait un travail difficile et complique dont le debut exigeait toute son attention. De temps en temps cependant son oeil qui comptait les points se levait et allait, prompt et furtif, vers le petit portrait du mort appuye contre la pendule. Et le docteur qui traversait l'etroit salon en quatre ou cinq enjambees, les mains derriere le dos et la cigarette aux levres, rencontrait chaque fois le regard de sa mere. On eut dit qu'ils s'epiaient, qu'une lutte venait de se declarer entre eux; et un malaise douloureux, un malaise insoutenable crispait le coeur de Pierre. Il se disait, torture et satisfait pourtant: "Doit-elle souffrir en ce moment, si elle sait que je l'ai devinee!" Et a chaque retour vers le foyer, il s'arretait quelques secondes a contempler le visage blond de Marechal, pour bien montrer qu'une idee fixe le hantait. Et ce petit portrait, moins grand qu'une main ouverte, semblait une personne vivante, mechante, redoutable, entree soudain dans cette maison et dans cette famille. Tout a coup la sonnette de la rue tinta. Mme Roland, toujours si calme, eut un sursaut qui revela le trouble de ses nerfs au docteur. Puis elle dit: "Ca doit etre Mme Rosemilly." Et son oeil anxieux encore une fois se leva vers la cheminee. Pierre comprit, ou crut comprendre sa terreur et son angoisse. Le regard des femmes est percant, leur esprit agile, et
PREV.   NEXT  
|<   70   71   72   73   74   75   76   77   78   79   80   81   82   83   84   85   86   87   88   89   90   91   92   93   94  
95   96   97   98   99   100   101   102   103   104   105   106   107   108   109   110   111   112   113   114   115   116   117   118   119   >>   >|  



Top keywords:

Pierre

 

regard

 

Roland

 

portrait

 

cheminee

 

semblait

 

toujours

 

pendule

 

malaise

 

chaque


docteur
 

quelques

 

miniature

 
satisfait
 

moment

 

souffrir

 

pourtant

 

levres

 
traversait
 

rencontrait


cigarette

 

quatre

 
enjambees
 

derriere

 

contre

 
crispait
 

insoutenable

 

appuye

 

disait

 

douloureux


etroit
 

epiaient

 
venait
 
declarer
 

torture

 

Rosemilly

 

trouble

 

sursaut

 

revela

 

anxieux


encore
 

percant

 

esprit

 

femmes

 
angoisse
 

comprit

 

comprendre

 

terreur

 

sonnette

 
Marechal