u principal... Ce jour-la--de temps immemorial--, tout le
college celebre la Saint-Theophile sur l'herbe, a grand renfort de
viandes froides et de vins de Limoux. Cette fois, comme a l'ordinaire,
M. le principal n'epargne rien pour donner du retentissement a ce petit
festival de famille, qui satisfait les instincts genereux de son coeur,
sans nuire cependant aux interets de son college. Des l'aube, on
s'emplit tous--eleves et maitres--dans de grandes tapissieres pavoisees
aux couleurs municipales, et le convoi part au galop, trainant a sa
suite, dans deux enormes fourgons, les paniers de vin mousseux et les
corbeilles de mangeaille... En tete, sur le premier char, les gros
bonnets et la musique. Ordre aux ophicleides de jouer tres fort. Les
fouets claquent, les grelots sonnent, les piles d'assiettes se heurtent
contre les gamelles de fer-blanc... Tout Sarlande en bonnet de nuit se
met aux fenetres pour voir passer la fete du principal.
C'est a la Prairie que le gala doit avoir lieu. A peine arrive, on
etend des nappes sur l'herbe, et les enfants crevent de rire en voyant
messieurs les professeurs assis au frais dans les violettes comme de
simples collegiens... Les tranches de pate circulent. Les bouchons
sautent. Les yeux flambent. On parle beaucoup... Seul, au milieu de
l'animation generale, le petit Chose a l'air preoccupe. Tout a coup on
le voit rougir... M. le principal vient de se lever, un papier a la
main: "Messieurs, on me remet a l'instant meme quelques vers que
m'adresse un poete anonyme. Il parait que notre Pindare ordinaire,
M. Viot, a un emule cette annee. Quoique ces vers soient un peu trop
flatteurs pour moi, je vous demande la permission de vous les lire.
--Oui, oui... lisez... lisez!..."
Et de sa belle voix des distributions, M. le principal commence la
lecture...
C'est un compliment assez bien tourne, plein de rimes aimables a
l'adresse du principal et de tous ces messieurs. Une fleur pour chacun.
La fee aux lunettes elle-meme n'est pas oubliee. Le poete l'appelle
"l'ange du refectoire", ce qui est charmant.
On l'applaudit longuement. Quelques voix demandent l'auteur. Le petit
Chose se leve, rouge comme un pepin de grenade, et s'incline avec
modestie. Acclamations generales. Le petit Chose devient le heros de la
fete. Le principal veut l'embrasser. De vieux professeurs lui serrent la
main d'un air entendu. Le regent de seconde lui demande ses vers pour
les mettre dans le journal. Le petit Cho
|