a tete. Un mot pouvait me disculper;
mais ce mot, je ne le prononcai pas. J'etais pret a tout souffrir plutot
que de denoncer Roger.... Car remarquez bien qu'au milieu de cette
catastrophe, le petit Chose n'avait pas un seul instant soupconne la
loyaute de son ami. En reconnaissant les lettres, il s'etait dit tout de
suite: "Roger aura eu la paresse de les recopier; il a mieux aime faire
une partie de billard de plus et envoyer les miennes." Quel innocent, ce
petit Chose!
Quand le sous-prefet vit que je ne voulais pas repondre, il remit les
lettres dans sa poche et, se tournant vers le principal et son acolyte:
"Maintenant, messieurs, vous savez ce qui vous reste a faire."
Sur quoi les clefs de M. Viot fretillerent d'un air lugubre, et le
principal repondit en s'inclinant jusqu'a terre, "que M. Eyssette avait
merite d'etre chasse sur l'heure; mais qu'afin d'eviter tout scandale,
on le garderait au college encore huit jours". Juste le temps de faire
venir un nouveau maitre.
A ce terrible mot "chasse", tout mon courage m'abandonna. Je saluai
sans rien dire et je sortis precipitamment. A peine dehors, mes larmes
eclaterent.... Je courus d'un trait jusqu'a ma chambre, en etouffant mes
sanglots dans mon mouchoir....
Roger m'attendait; il avait l'air fort inquiet et se promenait a grands
pas, de long en large.
En me voyant entrer, il vint vers moi:
"Monsieur Daniel!..." me dit-il, et son oeil m'interrogeait. Je me
laissai tomber sur une chaise sans repondre.
"Des pleurs, des enfantillages! reprit le maitre d'armes d'un ton
brutal, tout cela ne prouve rien. Voyons... vite!... Que s'est-il
passe?"
Alors je lui racontai dans tous ses details toute l'horrible scene du
cabinet.
A mesure que je parlais, je voyais la physionomie de Roger s'eclaircir;
il ne me regardait plus du meme air rogue, et a la fin, quand il eut
appris comment, pour ne pas le trahir, je m'etais laisse chasser du
college, il me tendit ses deux mains ouvertes et me dit simplement:
"Daniel, vous etes un noble coeur."
A ce moment, nous entendimes dans la rue le roulement d'une voiture;
c'etait le sous-prefet qui s'en allait.
"Vous etes un noble coeur, reprit mon bon ami le maitre d'armes en me
serrant les poignets a les briser, vous etes un noble coeur, je ne
vous dis que ca.... Mais vous devez comprendre que je ne permettrai a
personne de se sacrifier pour moi."
Tout en parlant, il s'etait rapproche de la porte:
"Ne pleurez pas,
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