J'en ai fait d'abord avec M. le cardinal de Richelieu,
puis tout seul.
"Cette politique n'a pas toujours ete tres honnete, il faut
l'avouer; mais elle n'a jamais ete maladroite. Or, celle que l'on
propose en ce moment a Votre Majeste est malhonnete et maladroite
a la fois.
-- Malhonnete, monsieur!
-- Sire, vous avez fait un traite avec M. Cromwell.
-- Oui; et dans ce traite meme M. Cromwell a signe au-dessus de
moi.
-- Pourquoi avez-vous signe si bas, Sire? M. Cromwell a trouve une
bonne place, il l'a prise; c'etait assez son habitude. J'en
reviens donc a M. Cromwell. Vous avez fait un traite avec lui,
c'est-a-dire avec l'Angleterre, puisque quand vous avez signe ce
traite M. Cromwell etait l'Angleterre.
-- M. Cromwell est mort.
-- Vous croyez cela, Sire?
-- Mais sans doute, puisque son fils Richard lui a succede et a
abdique meme.
-- Eh bien! voila justement! Richard a herite a la mort de
Cromwell, et l'Angleterre a l'abdication de Richard. Le traite
faisait partie de l'heritage, qu'il fut entre les mains de
M. Richard ou entre les mains de l'Angleterre. Le traite est donc
bon toujours, valable autant que jamais. Pourquoi l'eluderiez-
vous, Sire? Qu'y a-t-il de change? Charles II veut aujourd'hui ce
que nous n'avons pas voulu il y a dix ans; mais c'est un cas
prevu. Vous etes l'allie de l'Angleterre, Sire, et non celui de
Charles II. C'est malhonnete sans doute, au point de vue de la
famille, d'avoir signe un traite avec un homme qui a fait couper
la tete au beau-frere du roi votre pere, et d'avoir contracte une
alliance avec un Parlement qu'on appelle la-bas un Parlement
Croupion; c'est malhonnete, j'en conviens, mais ce n'etait pas
maladroit au point de vue de la politique, puisque, grace a ce
traite, j'ai sauve a Votre Majeste, mineure encore, les tracas
d'une guerre exterieure, que la Fronde... vous vous rappelez la
Fronde, Sire (le jeune roi baissa la tete), que la Fronde eut
fatalement compliques. Et voila comme quoi je prouve a Votre
Majeste que changer de route maintenant sans prevenir nos allies
serait a la fois maladroit et malhonnete. Nous ferions la guerre
en mettant les torts de notre cote; nous la ferions, meritant
qu'on nous la fit, et nous aurions l'air de la craindre, tout en
la provoquant; car une permission a cinq cents hommes, a deux
cents hommes, a cinquante hommes, a dix hommes, c'est toujours une
permission. Un Francais, c'est la nation; un uniforme, c'est
l'armee. Suppo
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