ecroule; l'a-t-on demoli pierre a pierre et deracine du sol
jusqu'a sa derniere fibre?
-- Non, il est encore debout, mais en ce moment le general Monck
l'occupe et y campe. Le seul endroit ou m'attend un secours, ou je
possede une ressource, vous le voyez, est envahi par mes ennemis.
-- Le general Monck, Sire, ne peut avoir decouvert le tresor dont
je vous parle.
-- Oui, mais dois-je aller me livrer a Monck pour le recouvrer, ce
tresor? Ah! vous le voyez donc bien, comte, il faut en finir avec
la destinee, puisqu'elle me terrasse a chaque fois que je me
releve. Que faire avec Parry pour tout serviteur, avec Parry, que
Monck a deja chasse une fois?
-- Non, non, comte, acceptons ce dernier coup.
-- Ce que Votre Majeste ne peut faire, ce que Parry ne peut plus
tenter, croyez-vous que moi je puisse y reussir?
-- Vous, vous comte, vous iriez!
-- Si cela plait a Votre Majeste, dit Athos en saluant le roi,
oui, j'irai, Sire.
-- Vous si heureux ici, comte!
-- Je ne suis jamais heureux, Sire, tant qu'il me reste un devoir
a accomplir, et c'est un devoir supreme que m'a legue le roi votre
pere de veiller sur votre fortune et de faire un emploi royal de
son argent. Ainsi, que Votre Majeste me fasse un signe, et je pars
avec elle.
-- Ah! monsieur, dit le roi, oubliant toute etiquette royale et se
jetant au cou d'Athos, vous me prouvez qu'il y a un Dieu au ciel,
et que ce Dieu envoie parfois des messagers aux malheureux qui
gemissent sur cette terre.
Athos, tout emu de cet elan du jeune homme, le remercia avec un
profond respect, et s'approchant de la fenetre:
-- Grimaud, dit-il, mes chevaux.
-- Comment! ainsi, tout de suite? dit le roi. Ah! monsieur, vous
etes, en verite, un homme merveilleux.
-- Sire! dit Athos, je ne connais rien de plus presse que le
service de Votre Majeste. D'ailleurs, ajouta-t-il en souriant,
c'est une habitude contractee depuis longtemps au service de la
reine votre tante et au service du roi votre pere. Comment la
perdrais-je precisement a l'heure ou il s'agit du service de Votre
Majeste?
-- Quel homme! murmura le roi.
Puis, apres un instant de reflexion:
-- Mais non, comte, je ne puis vous exposer a de pareilles
privations. Je n'ai rien pour recompenser de pareils services.
-- Bah! dit en riant Athos, Votre Majeste me raille, elle a un
million. Ah! que ne suis je riche seulement de la moitie de cette
somme, j'aurais deja leve un regiment. Mais, Dieu merci! il me
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