etait au Parlement. Il jugea qu'il n'y avait pas
de temps a perdre, et que la Tweed n'etait pas si eloignee de la
Tamise qu'une armee n'enjambat d'une riviere a l'autre surtout
lorsqu'elle etait bien commandee. Il savait en outre, qu'au fur et
a mesure qu'ils penetreraient en Angleterre, les soldats de Monck
formeraient sur la route cette boule de neige, embleme du globe de
la fortune, qui n'est pour l'ambitieux qu'un degre sans cesse
grandissant pour le conduire a son but. Il ramassa donc son armee,
formidable a la fois par sa composition ainsi que par le nombre,
et courut au-devant de Monck, qui, lui, pareil a un navigateur
prudent voguant au milieu des ecueils, s'avancait a toutes petites
journees et le nez au vent, ecoutant le bruit et flairant l'air
qui venait de Londres. Les deux armees s'apercurent a la hauteur
de Newcastle; Lambert, arrive le premier, campa dans la ville
meme.
Monck, toujours circonspect, s'arreta ou il etait et placa son
quartier general a Coldstream, sur la Tweed.
La vue de Lambert repandit la joie dans l'armee de Monck, tandis
qu'au contraire la vue de Monck jeta le desarroi dans l'armee de
Lambert. On eut cru que ces intrepides batailleurs, qui avaient
fait tant de bruit dans les rues de Londres, s'etaient mis en
route dans l'espoir de ne rencontrer personne, et que maintenant,
voyant qu'ils avaient rencontre une armee et que cette armee
arborait devant eux, non seulement un etendard, mais encore une
cause et un principe, on eut cru, disons-nous, que ces intrepides
batailleurs s'etaient mis a reflechir qu'ils etaient moins bons
republicains que les soldats de Monck, puisque ceux-ci soutenaient
le Parlement, tandis que Lambert ne soutenait rien, pas meme lui.
Quant a Monck, s'il eut a reflechir ou s'il reflechit, ce dut etre
fort tristement, car l'histoire raconte, et cette pudique dame, on
le sait, ne ment jamais, car l'histoire raconte que le jour de son
arrivee a Coldstream on chercha inutilement un mouton par toute la
ville. Si Monck eut commande une armee anglaise, il y eut eu de
quoi faire deserter toute l'armee. Mais il n'en est point des
Ecossais comme des Anglais, a qui cette chair coulante qu'on
appelle le sang est de toute necessite; les Ecossais, race pauvre
et sobre, vivent d'un peu d'orge ecrasee entre deux pierres,
delayee avec de l'eau de la fontaine et cuite sur un gres rougi.
Les Ecossais, leur distribution d'orge faite, ne s'inquieterent
donc point s'il y avait ou s
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