messieurs, que le general, la veille d'une bataille, soit parti
sans rien dire a personne. Oui, il y a un evenement etrange dans
tout cela; oui, au lieu de demeurer oisifs et d'attendre, il vous
faut deployer toute la vigilance, toute l'activite possibles Je
suis votre prisonnier, messieurs, sur parole ou autrement. Mon
honneur est interesse a ce que l'on sache ce qu'est devenu le
general Monck, a ce point que si vous me disiez: "Partez!" je
dirais: "Non, je reste." Et si vous me demandiez mon avis,
j'ajouterais: "Oui, le general est victime de quelque
conspiration, car s'il eut du quitter le camp, il me l'aurait dit.
Cherchez donc, fouillez donc, fouillez la terre, fouillez la mer;
le general n'est point parti, ou tout au moins n'est pas parti de
sa propre volonte."
Le lieutenant fit un signe aux autres officiers.
-- Non, monsieur, dit-il, non; a votre tour vous allez trop loin.
Le general n'a rien a souffrir des evenements, et sans doute, au
contraire, il les a diriges. Ce que fait Monck a cette heure, il
l'a fait souvent. Nous avons donc tort de nous alarmer; son
absence sera de courte duree, sans doute; aussi gardons-nous bien,
par une pusillanimite dont le general nous ferait un crime,
d'ebruiter son absence, qui pourrait demoraliser l'armee. Le
general donne une preuve immense de sa confiance en nous,
montrons-nous-en dignes Messieurs, que le plus profond silence
couvre tout ceci d'un voile impenetrable; nous allons garder
Monsieur, non pas par defiance de lui relativement au crime, mais
pour assurer plus efficacement le secret de l'absence du general
en le concentrant parmi nous; aussi, jusqu'a nouvel ordre,
Monsieur habitera le quartier general.
-- Messieurs, dit Athos, vous oubliez que cette nuit le general
m'a confie un depot sur lequel je dois veiller. Donnez-moi telle
garde qu'il vous plaira, enchainez-moi, s'il vous plait, mais
laissez-moi la maison que j'habite pour prison, Le general, a son
retour, vous reprocherait, je vous le jure, sur ma foi de
gentilhomme, de lui avoir deplu en ceci.
Les officiers se consulterent un moment; puis apres cette
consultation:
-- Soit, monsieur, dit le lieutenant; retournez chez vous.
Puis ils donnerent a Athos une garde de cinquante hommes qui
l'enferma dans sa maison, sans le perdre de vue un seul instant.
Le secret demeura garde, mais les heures, mais les jours
s'ecoulerent sans que le general revint et sans que nul recut de
ses nouvelles.
Chapitre
|