pas cette idee
fixe de revenir en Angleterre?
-- C'est vrai, dit Monck pensif.
-- Sans compter, ajouta le pecheur, que le stathouder... vous
savez, milord, Guillaume II...
-- Eh bien?
-- Il l'y aidera de tout son pouvoir.
-- Ah! tu as entendu dire cela?
-- Non, mais je le crois.
-- Tu es fort en politique, a ce qu'il parait? demanda Monck.
-- Oh! nous autres marins, milord, qui avons l'habitude d'etudier
l'eau et l'air, c'est-a-dire les deux choses les plus mobiles du
monde, il est rare que nous nous trompions sur le reste.
-- Voyons, dit Monck, changeant de conversation, on pretend que tu
vas nous bien nourrir.
-- Je ferai de mon mieux, milord.
-- Combien nous vends-tu ta peche, d'abord?
-- Pas si sot que de faire un prix, milord.
-- Pourquoi cela?
-- Parce que mon poisson est bien a vous.
-- De quel droit?
-- Du droit du plus fort.
-- Mais mon intention est de te le payer.
-- C'est bien genereux a vous, milord.
-- Et ce qu'il vaut, meme.
-- Je ne demande pas tant.
-- Et que demandes-tu donc, alors?
-- Mais je demande a m'en aller.
-- Ou cela? Chez le general Lambert?
-- Moi! s'ecria le pecheur; et pour quoi faire irais-je a
Newcastle, puisque je n'ai plus de poisson?
-- Dans tous les cas, ecoute-moi.
-- J'ecoute.
-- Un conseil.
-- Comment! Milord veut me payer et encore me donner un bon
conseil! mais milord me comble.
Monck regarda plus fixement que jamais le pecheur, sur lequel il
paraissait toujours conserver quelque soupcon.
-- Oui, je veux te payer et te donner un conseil, car les deux
choses se tiennent. Donc, si tu t'en retournes chez le general
Lambert ...
Le pecheur fit un mouvement de la tete et des epaules qui
signifiait: "S'il y tient, ne le contrarions pas."
-- Ne traverse pas le marais, continua Monck; tu seras porteur
d'argent, et il y a dans le marais quelques embuscades d'Ecossais
que j'ai placees la. Ce sont gens peu traitables, qui comprennent
mal la langue que tu parles, quoiqu'elle me paraisse se composer
de trois langues, et qui pourraient te reprendre ce que je
t'aurais donne, et de retour dans ton pays, tu ne manquerais pas
de dire que le general Monck a deux mains, l'une ecossaise,
l'autre anglaise, et qu'il reprend avec la main ecossaise ce qu'il
a donne avec la main anglaise.
-- Oh! general, j'irai ou vous voudrez, soyez tranquille, dit le
pecheur avec une crainte trop expressive pour n'etre pas exageree,
Je n
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