aitre.
-- C'est vrai, monsieur, dit Mousqueton, les plaisirs nous ont
distraits. Eh bien! monsieur, voici la chose tout entiere.
-- J'ecoute, mon cher Mousqueton.
-- Mercredi...
-- Jour des plaisirs champetres?
-- Oui. Une lettre arrive; il la recoit de mes mains. J'avais
reconnu l'ecriture.
-- Eh bien?
-- Monseigneur la lit et s'ecrie: "Vite, mes chevaux! mes armes!"
-- Ah! mon Dieu! dit d'Artagnan, c'etait encore quelque duel!
-- Non pas, monsieur, il y avait ces mots seulement: "Cher
Porthos, en route si vous voulez arriver avant l'equinoxe. Je vous
attends."
-- Mordioux! fit d'Artagnan reveur, c'etait presse a ce qu'il
parait.
-- Je le crois bien. En sorte, continua Mousqueton, que
Monseigneur est parti le jour meme avec son secretaire pour tacher
d'arriver a temps.
-- Et sera-t-il arrive a temps?
-- Je l'espere. Monseigneur qui est haut a la main, comme vous le
savez, monsieur, repetait sans cesse: "Tonne Dieu! qu'est-ce
encore que cela, l'equinoxe? N'importe, il faudra que le drole
soit bien monte, s'il arrivait avant moi."
-- Et tu crois que Porthos sera arrive le premier? demanda
d'Artagnan.
-- J'en suis sur. Cet equinoxe, si riche qu'il soit, n'a certes
pas des chevaux comme Monseigneur!
D'Artagnan contint son envie de rire, parce que la brievete de la
lettre d'Aramis lui donnait fort a penser. Il suivit Mousqueton,
ou plutot le chariot de Mousqueton, jusqu'au chateau; il s'assit a
une table somptueuse, dont on lui fit les honneurs comme a un roi,
mais il ne put rien tirer de Mousqueton: le fidele serviteur
pleurait a volonte, c'etait tout. D'Artagnan, apres une nuit
passee sur un excellent lit, reva beaucoup au sens de la lettre
d'Aramis, s'inquieta des rapports de l'equinoxe avec les affaires
de Porthos, puis n'y comprenant rien, sinon qu'il s'agissait de
quelque amourette de l'eveque pour laquelle il etait necessaire
que les jours fussent egaux aux nuits, d'Artagnan quitta
Pierrefonds comme il avait quitte Melun, comme il avait quitte le
chateau du comte de La Fere. Ce ne fut cependant pas sans une
melancolie qui pouvait a bon droit passer pour une des plus
sombres humeurs de d'Artagnan. La tete baissee, l'oeil fixe, il
laissait pendre ses jambes sur chaque flanc de son cheval et se
disait, dans cette vague reverie qui monte parfois a la plus
sublime eloquence; "Plus d'amis, plus d'avenir, plus rien! mes
forces sont brisees, comme le faisceau de notre amitie passee. O
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