s comptaient remettre un
roi sur son trone que comparativement aux autres moyens, le plus
mince cerveau du pays ou les cerveaux sont les plus minces se fut
revolte contre l'outrecuidance du lieutenant et la stupidite de
son associe. Heureusement d'Artagnan n'etait pas homme a ecouter
les sornettes qui se debitaient autour de lui, ni les commentaires
que l'on faisait sur lui. Il avait adopte la devise: "Faisons bien
et laissons dire." Planchet, de son cote, avait adopte celle-ci:
"Laissons faire et ne disons rien." Il en resultait que, selon
l'habitude de tous les genies superieurs, ces deux hommes se
flattaient _intra pectus_ d'avoir raison contre tous ceux qui leur
donnaient tort.
Pour commencer, d'Artagnan se mit en route par le plus beau temps
du monde, sans nuages au ciel, sans nuages a l'esprit, joyeux et
fort, calme et decide, gros de sa resolution, et par consequent
portant avec lui une dose decuple de ce fluide puissant que les
secousses de l'ame font jaillir des nerfs et qui procurent a la
machine humaine une force et une influence dont les siecles futurs
se rendront, selon toute probabilite, plus arithmetiquement compte
que nous ne pouvons le faire aujourd'hui. Il remonta, comme aux
temps passes, cette route feconde en aventures qui l'avait conduit
a Boulogne et qu'il faisait pour la quatrieme fois. Il put
presque, chemin faisant, reconnaitre la trace de son pas sur le
pave et celle de son poing sur les portes des hotelleries; sa
memoire, toujours active et presente, ressuscitait alors cette
jeunesse que n'eut, trente ans apres, dementie ni son grand coeur
ni son poignet d'acier. Quelle riche nature que celle de cet
homme! Il avait toutes les passions, tous les defauts, toutes les
faiblesses, et l'esprit de contrariete familier a son intelligence
changeait toutes ces imperfections en des qualites
correspondantes. D'Artagnan, grace a son imagination sans cesse
errante, avait peur d'une ombre, et honteux d'avoir eu peur, il
marchait a cette ombre, et devenait alors extravagant de bravoure
si le danger etait reel; aussi, tout en lui etait emotions et
partant jouissance. Il aimait fort la societe d'autrui, mais
jamais ne s'ennuyait dans la sienne, et plus d'une fois, si on eut
pu l'etudier quand il etait seul, on l'eut vu rire des quolibets
qu'il se racontait a lui-meme ou des bouffonnes imaginations qu'il
se creait justement cinq minutes avant le moment ou devait venir
l'ennui.
D'Artagnan ne fut pas peut-e
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