sont point de mon commerce; mais puisque c'est
une affaire que vous me proposez... car vous me proposez une
affaire, n'est-ce pas?
-- Superbe, Planchet.
-- Mais puisque vous me proposez une affaire, j'ai le droit de la
discuter.
-- Discute, Planchet; de la discussion nait la lumiere.
-- Eh bien! puisque j'ai la permission de Monsieur, je lui dirai
qu'il y a la-bas les parlements d'abord.
-- Eh bien! apres?
-- Et puis l'armee.
-- Bon. Vois-tu encore quelque chose?
-- Et puis la nation.
-- Est-ce tout?
-- La nation, qui a consenti la chute et la mort du feu roi, pere
de celui-la, et qui ne se voudra point dementir.
-- Planchet, mon ami, dit d'Artagnan, tu raisonnes comme un
fromage. La nation... la nation est lasse de ces messieurs qui
s'appellent de noms barbares et qui lui chantent des psaumes.
Chanter pour chanter, mon cher Planchet, j'ai remarque que les
nations aimaient mieux chanter la gaudriole que le plain-chant.
Rappelle-toi la Fronde; a-t-on chante dans ces temps-la! Eh bien!
c'etait le bon temps.
-- Pas trop, pas trop; j'ai manque y etre pendu.
-- Oui, mais tu ne l'as pas ete?
-- Non.
-- Et tu as commence ta fortune au milieu de toutes ces chansons-
la?
-- C'est vrai.
-- Tu n'as donc rien a dire?
-- Si fait! j'en reviens a l'armee et aux parlements.
-- J'ai dit que j'empruntais vingt mille livres a M. Planchet, et
que je mettais vingt mille livres de mon cote; avec ces quarante
mille livres je leve une armee.
Planchet joignit les mains; il voyait d'Artagnan serieux, il crut
de bonne foi que son maitre avait perdu le sens.
-- Une armee!... Ah! monsieur, fit-il avec son plus charmant
sourire, de peur d'irriter ce fou et d'en faire un furieux. Une
armee... nombreuse?
-- De quarante hommes, dit d'Artagnan.
-- Quarante contre quarante mille, ce n'est point assez. Vous
valez bien mille hommes a vous tout seul, monsieur d'Artagnan, je
le sais bien; mais ou trouverez-vous trente-neuf hommes qui
vaillent autant que vous? ou, les trouvant, qui vous fournira
l'argent pour les payer?
-- Pas mal, Planchet... Ah! diable! tu te fais courtisan.
-- Non, monsieur, je dis ce que je pense, et voila justement
pourquoi je dis qu'a la premiere bataille rangee que vous livrerez
avec vos quarante hommes, j'ai bien peur...
-- Aussi ne livrerai-je pas de bataille rangee, mon cher Planchet,
dit en riant le Gascon. Nous avons, dans l'Antiquite, des exemples
tres beaux de re
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