evant. Que vous me
refusiez un million, vous en avez le droit: vos millions sont a
vous; que vous me refusiez deux cents gentilshommes, vous en avez
le droit encore, car vous etes Premier ministre, et vous avez, aux
yeux de la France, la responsabilite de la paix et de la guerre;
mais que vous pretendiez m'empecher, moi le roi, de donner
l'hospitalite au petit-fils de Henri IV, a mon cousin germain, au
compagnon de mon enfance! la s'arrete votre pouvoir, la commence
ma volonte.
-- Sire, dit Mazarin, enchante d'en etre quitte a si bon marche,
et qui n'avait d'ailleurs si chaudement combattu que pour en
arriver la; Sire, je me courberai toujours devant la volonte de
mon roi; que mon roi garde donc pres de lui ou dans un de ses
chateaux le roi d'Angleterre, que Mazarin le sache, mais que le
ministre ne le sache pas.
-- Bonne nuit, monsieur, dit Louis XIV, je m'en vais desespere.
-- Mais convaincu, c'est tout ce qu'il me faut, Sire, repliqua
Mazarin.
Le roi ne repondit pas, et se retira tout pensif, convaincu, non
pas de tout ce que lui avait dit Mazarin, mais d'une chose au
contraire qu'il s'etait bien garde de lui dire, c'etait de la
necessite d'etudier serieusement ses affaires et celles de
l'Europe, car il les voyait difficiles et obscures.
Louis retrouva le roi d'Angleterre assis a la meme place ou il
l'avait laisse.
En l'apercevant, le prince anglais se leva; mais du premier coup
d'oeil il vit le decouragement ecrit en lettres sombres sur le
front de son cousin.
Alors, prenant la parole le premier, comme pour faciliter a Louis
l'aveu penible qu'il avait a lui faire:
-- Quoi qu'il en soit, dit-il, je n'oublierai jamais toute la
bonte, toute l'amitie dont vous avez fait preuve a mon egard.
-- Helas! repliqua sourdement Louis XIV, bonne volonte sterile,
mon frere!
Charles II devint extremement pale, passa une main froide sur son
front, et lutta quelques instants contre un eblouissement qui le
fit chanceler.
-- Je comprends, dit-il enfin, plus d'espoir!
Louis saisit la main de Charles II.
-- Attendez, mon frere, dit-il, ne precipitez rien, tout peut
changer; ce sont les resolutions extremes qui ruinent les causes;
ajoutez, je vous en supplie, une annee d'epreuve encore aux annees
que vous avez deja subies. Il n'y a, pour vous decider a agir en
ce moment plutot qu'en un autre, ni occasion ni opportunite; venez
avec moi, mon frere, je vous donnerai une de mes residences, celle
qu'il vous pl
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