e etait bien morte.
Le moine, se redressant, regarda autour de lui comme pour chercher
quelque chose. Ayant trouve, sans doute, il se dirigea vers le benitier,
y trempa son mouchoir de fine batiste, et revenant au cadavre se mit a
laver doucement les taches de sang.
Bien que l'obscurite fut profonde, excepte au-dessous de la pale
veilleuse, il semblait y voir parfaitement et, dans ses allees et
venues, marchait sans hesitation, sans bruit.
Par trois fois, il retourna au benitier tremper son mouchoir.
Le benitier, des lors, parut plein de sang.
Par un hasard assez inexplicable, Alice n'avait aucune plaie au visage,
et le sang qu'elle y portait provenait des blessures qui avaient laboure
ses epaules, sa gorge et sa poitrine.
Lorsqu'il eut acheve de laver toutes ces plaies, le moine contempla un
instant le cadavre: le visage pale d'Alice apparaissait dans l'indecise
clarte de la veilleuse, avec sa merveilleuse beaute pour ainsi dire
idealisee.
Panigarola, cependant, avait examine les blessures, l'une apres l'autre.
Il y en avait dix-sept. C'etaient de longues dechirures a fleur de peau,
aucune n'avait penetre aux sources de la vie.
Le moine secoua la tete et murmura:
"Pas une de ces blessures n'etait mortelle..."
Continuant son funebre examen, il remarqua a l'index de la main droite
une bague dont le large chaton etait comme creve. A grand-peine il
retira la bague du doigt qui se raidissait deja.
Alors, il illumina un cierge et, avec une sorte de curiosite morbide, il
etudia la bague.
Dans le chaton eventre, il apercut quelques grains d'une poudre blanche;
il rajusta les bords du chaton, de facon que le reste de poudre ne put
s'en echapper, et placa la bague a son petit doigt.
"L'anneau des fiancailles", dit-il.
Revenant a Alice, il essaya de la recouvrir tant bien que mal; mais,
comme il ne pouvait arriver a rejoindre les lambeaux laceres du corsage,
il se depouilla de sa robe de gros drap brun et en enveloppa le cadavre.
Il apparut ainsi dans son elegant costume de riche gentilhomme.
D'un geste puissant, presque sans effort, il souleva dans ses bras le
cadavre habille de sa robe de moine, et l'emporta vers la porte que
Ruggieri lui avait ouverte au moment ou il etait entre dans l'eglise.
Un carrosse de voyage etait la qui attendait: c'etait celui que la reine
avait fait venir.
Un homme vetu en postillon s'approcha du marquis de Pani-Garola et lui
dit:
--Monseigneur, voici la c
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